jeudi 16 octobre 2025

Des millions d'Ottawa pour angliciser nos soins de santé...

capture d'écran de CBC


Le gouvernement fédéral a annoncé, ce 15 octobre, une injection de 52 millions $ d'ici 2028 pour angliciser les soins de santé au Québec et favoriser l'apprentissage de l'anglais chez les francophones qui les dispensent. A-t-on lu cette nouvelle dans La Presse, Le Devoir, le Journal de Montréal, à Radio-Canada? Moi, je n'ai rien vu. Absence quasi totale des médias de langue française, pendant que CBC et la Gazette de Montréal en faisaient une de leurs manchettes!

Je me demande ce qui est le plus scandaleux. Les millions que le gouvernement de la majorité anglo-canadienne dépense pour saper nos efforts de francisation au Québec? L'inertie des salles de rédaction québécoises qui, trop souvent, ferment les yeux sur les urgences linguistiques même quand celles-ci crèvent les yeux? Ou même l'élection par de fortes majorités francophones de députés libéraux qui, clairement, sont voués à la cause des Anglo-Québécois?

Si le gouvernement québécois avait vraiment nos intérêts à coeur, il aurait émis une vive protestation devant cet empiétement fédéral (avec nos taxes) dans deux domaines - l'administration des établissements de santé québécois et l'éducation - où Ottawa n'a manifestement aucune compétence. Il ferait aussi savoir au Canada tout entier qu'ici, le droit pour les francophones de travailler en français primera toujours sur les exigences de la minorité linguistique la plus choyée au pays.

Les Anglo-Québécois, dans une proportion de plus de 60%, ont déjà facilement accès à des soins de santé dans leur langue, contre moins de 40% des francophones ailleurs au Canada. Dans les grandes régions de Montréal et Gatineau, les services en anglais sont généralisés. Hors Québec, à l'exception du Nouveau-Brunswick et de quelques régions de l'Ontario, la grande majorité des francophones (à 90% bilingues) s'accommode des services en anglais. Et rien ne changera. Les anglos, là comme chez nous, ont peu d'affection pour la langue française.

Je demeure à la frontière linguistique. Un passé franco-ontarien à Ottawa, Hullois et Gatinois depuis 1975. Ici on voit toute la différence. Un microcosme de ce pays sans bon sens. Sur la rive ontarienne, l'obligation constante de demander «Parlez-vous français?» si vous êtes disposé à faire l'effort, puis de switcher à l'autre langue dans ce milieu très majoritairement unilingue anglais, ou encore de s'adresser tout de go en anglais si vous craignez d'offusquer votre interlocuteur ou si votre niveau d'assimilation a atteint le point de non-retour. 

Pendant ce temps, sur la rive québécoise, dans ce grand Gatineau où l'anglicisation galope à vitesse grand v, je vois les anglophones (y compris les allophones qui préfèrent l'anglais) s'adresser en anglais sans hésitation dans les commerces et les établissements de santé, souvent sur un ton qui n'invite pas la réplique. Jamais en 50 ans je n'ai entendu un anglo demander poliment «Do you speak English?» Ils s'attendent d'être servis dans leur langue comme si le Québec était officiellement bilingue. Cette perception est renforcée à chaque fois qu'ils arrivent à un comptoir et que nos colonisés lancent un Bonjour-Hi sans même savoir s'il s'agit d'un anglophone...

Ce 52 millions de dollars d'Ottawa viendra renforcer notre état d'infériorité en encourageant les anglophones et les anglicisés à réclamer davantage d'être servis en anglais dans le domaine de la santé (plutôt que d'apprendre le français, supposément la langue d'intégration), et à exiger que les francophones qui les accueillent connaissent davantage l'anglais pour les accommoder. Le député de Vaudreuil-Soulanges, Peter Schiefke, a clairement indiqué à CBC que les dollars fédéraux pour les soins de santé en anglais aideraient à répondre aux besoins des «communautés anglophones et allophones». Ainsi, pour Ottawa, les allophones ont le droit d'être servis en anglais au Québec. D'ailleurs, dans Vaudreuil-Soulanges, où la majorité francophone rétrécit à chaque année, la plupart des allophones s'intègrent à la collectivité anglophone... 

Les zélés du bilinguisme/multiculturalisme Canadian rétorqueront qu'Ottawa a investi 78 millions $ pour empiéter dans les mêmes champs de compétence des provinces anglaises, question de favoriser cette fois l'accès aux soins de santé en français. Le problème, bien sûr, dans un pays où le français est menacé partout (même au Québec), c'est qu'un dollar anglicisant au Québec est bien plus efficace qu'un dollar francisant au Canada anglais où les effectifs de langue française chutent de façon dramatique de recensement en recensement. Même à l'hôpital Montfort (symbole de la résistance franco-ontarienne), il arrive qu'on se bute à des unilingues anglais...

Alors, messieurs dames du gouvernement de la majorité anglo-canadienne, continuez à donner des millions tous les ans à McGill pour que cette université poursuive partout au Québec ce qu'elle a tenté de faire en Outaouais il y a une dizaine d'années. L'université de langue anglaise de Montréal avait alors voulu imposer l'anglais comme langue d'enseignement aux étudiants francophones dans sa nouvelle faculté satellite de médecine à Gatineau... avec la complicité des députés libéraux aplaventristes du coin et surtout celle du premier ministre Philippe Couillard qui aurait souhaité que tous les jeunes francophones québécois apprennent l'anglais...

Je sais que je crie dans le désert. Pour que l'opinion publique s'éveille à l'importance de cette nouvelle invasion fédérale dans nos plates-bandes, il faudrait qu'elle en soit informée... Diable, où sont nos médias???


2 commentaires:

  1. J'espère que vous vivrez longtemps, M. Allard. Le Québec a besoin de vous...

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  2. Il semble bien que pour le gouvernement fédérale, la minorité menacée de disparition serait les pôvres anglophone du Québec, et non pas les francophones hors Québec.

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