lundi 17 novembre 2025

Des «nationalistes québécois» «non indépendantistes»??



«Les nationalistes québécois, dont nous sommes, peuvent-ils se mobiliser pour la défense et pour l'avenir du Canada?» Que les auteurs de ce texte d'opinion (lien en bas de page), paru le 17 novembre 2025 dans Le Devoir, puissent poser une telle question a de quoi étonner. La réponse, d'une clarté aveuglante, est NON !

Que des Québécois puisse se mobiliser ainsi va de soi. Mais on ne pourra qualifier ces gens de nationalistes «québécois». Cela n'aurait aucun sens. Le dictionnaire Multi, le mieux adapté au langage d'ici, définit le nationalisme comme l'«attachement à la nation à laquelle on appartient». Pour être nationaliste québécois, on doit ainsi manifester son attachement à la nation québécoise.

Comment peut-on proposer d'abandonner le vieux rêve d'un Québec indépendant ou, tout au moins très autonome, en faveur d'une théorique «solidarité intercanadienne» et oser se dire nationaliste québécois? Si l'on ressent un véritable attachement à la nation québécoise, comment peut-on justifier de s'associer à une majorité anglo-canadienne qui:

* a imposé contre notre gré en 1982 une Constitution anglo-fédérale à laquelle les lois québécoises sont soumises, et dont l'un des objectifs était de saboter la Charte de la langue française (Loi 101), élément clé de la protection et de la promotion du caractère français du Québec;

* a combattu et continue de combattre, jusqu'à la Cour suprême fédérale, nos valeurs nationales sur les plans de la langue et de la laïcité, telles qu'énoncées dans les projets de loi 21 et 96;

* dépense, par son gouvernement à Ottawa, des dizaines de millions de dollars tous les ans pour renforcer la langue anglaise au Québec alors que le français est la langue la plus menacée;

* maintient, grâce à son écrasante supériorité numérique, des politiques socio-économiques, y compris le multiculturalisme, qu'un gouvernement québécois sans entrave modifierait selon ses priorités et ses valeurs propres;

* projette à l'échelle de la planète l'image d'un pays essentiellement anglophone (ce qui est vrai) où la nation québécoise est tenue en échec, malgré une façade soi-disant bilingue.

Les auteurs de la lettre au Devoir (voir capture d'écran ci-haut), dans une naïveté désarmante, proposent de «transcender» le clivage fédéralisme/souveraineté pour envisager «une nouvelle réflexion nationale» et cesser d'avoir peur de «s'engager envers le Canada». La distanciation des États-Unis, disent-ils, entraîne un un «grand rebrassage». Ils posent la question: «Comme Québécois, quel rôle allons-nous jouer?»

La vraie question aurait plutôt dû être: «quel rôle pouvons-nous jouer?» Avec un peu plus de 20% de la population canadienne (et des voix au Parlement canadien), nous n'avons en réalité AUCUN pouvoir décisionnel. C'est l'autre 80%, en démocratie, qui mène. Bien sûr, nous avons voix au chapitre, on nous consultera, on nous entendra, mais la décision sera le reflet du 80%... Comme d'habitude, la nation québécoise pourra vociférer, demander, quémander, dénoncer, menacer, brailler, mais jamais, au grand jamais, décider!

Étant donné que la majorité anglophone a officiellement le droit de parler au nom du Canada (et donc de la nation québécoise) sur le plan mondial, les stratèges de cette nouvelle Option Canada suggèrent de développer «une véritable diplomatie interprovinciale»... Non mais... on connaît les règles du jeu. Quand c'est important, vraiment important, les alliances du Québec finissent trop souvent par s'effriter. Le Canada anglais laissera une fois de plus la nation québécoise toute seule dans son coin...

Les auteurs de ce texte décourageant poursuivent leur argumentaire sur une note douteuse. La rupture de l'amitié avec les États-Unis, croient-ils, a créé «le besoin d'une identité canadienne distinctive» où «le bilinguisme pourrait se trouver de nouveau en terrain favorable»... J'aurai 80 ans l'an prochain et je m'intéresse à la politique depuis les années 1950, et on a toujours claironné qu'il existait une identité canadienne distinctive dont le bilinguisme était un élément incontournable. C'est 25 cents contre un trente sous...

Comme note de la fin, toujours au pays des merveilles, MM. Pratte, Chartrand, Dionne-Charest et Mmes Doyon et Miville-Dechêne réécrivent l'histoire et projettent leur réécriture vers un avenir à peu près impossible. Au cours du dernier demi-siècle, les Québécois n'ont pas vraiment abandonné la francophonie canadienne. Ils ignoraient à peu près tout de la francophonie hors Québec et leurs médias y étaient largement indifférents. On pourrait tout aussi bien affirmer que c'étaient plutôt les Franco-Canadiens qui avaient rejeté le Québec, mais ces derniers, aussi, étaient peu informés de la réalité québécoise par des médias le plus souvent de langue anglaise.

Quant à la conclusion, délirante, proposant «un retour en force dans la dynamique canadienne pour y faire progresser le français», c'est du n'importe quoi. Une étude attentive des données linguistiques des recensements fédéraux suffit pour comprendre qu'à l'exception de quelques zones au Nouveau-Brunswick et dans l'est et le nord ontariens, le français est à l'agonie hors Québec, et au bord du précipice dans les régions de Montréal et Gatineau, au Québec même. Un retour en force, même extrême, dans la dynamique canadienne ne fera pas progresser le français!

S'ils réussissent à s'imposer, les soi-disant nationalistes québécois qui proposent de telles stratégies passeront à l'histoire comme des collabos bien intentionnés de l'extinction de la nation québécoise. Un examen lucide de la situation passée et présente impose un constat: l'attachement à la nation québécoise (définition même du nationalisme) exclut toute option qui soumet sa destinée au bon vouloir d'une majorité qui a toujours voulu l'encarcaner, la diminuer et, à certains moments, la faire disparaître.

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captures d'écran du Dictionnaire Multi


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