samedi 26 novembre 2016

Nos caisses-quasi-banques jadis populaires...

Le siège social de ma caisse jadis populaire...

Quasiment à chaque année, quelque chose vient me convaincre que ma caisse jadis populaire (et pourtant de plus en plus grosse…) n'a plus grand chose à voir avec les valeurs de coopération à l'origine de ce mouvement qui rassemble aujourd'hui plus de 7 millions de personnes, principalement au Québec mais aussi dans les collectivités acadiennes et canadiennes-françaises des autres provinces.

Si ce n'était du fait qu'on continue de m'appeler «membre» plutôt que «client», j'aurais vraiment la conviction de faire affaires avec une banque… oh une banque bien de chez nous, mais ouais, disons-le, une banque… Cette institution bâtie sur les dollars et les cents et l'engagement d'innombrables petits épargnants de nos villes et villages et campagnes déroule davantage ses tapis rouges, ces jours-ci, pour les portefeuilles gras de sociétaires plus fortunés…

Le détenteur d'un compte de misère et le membre dont les comptes débordent d'épargne et de placements ne sont pas traités sur un pied d'égalité… Et pourtant, l'apparence ou la réalité d'une telle situation constitue un affront à la raison d'être des caisses Desjardins. «Contrairement aux banques ordinaires, il s'agit d'une association de personnes et non de capitaux», peut-on lire dans l'Histoire du Mouvement Desjardins. Chaque membre ne dispose que d'un seul vote, peu importe la valeur de ses avoirs.

Encore aujourd'hui, en 2016, sur son site Web, Desjardins rappelle que le réseau coopératif est la «propriété des membres», qu'il est «administré par eux» et que sa mission inclut «faire l'éducation, à l'économie, à la solidarité» auprès «des membres, des dirigeants et des employés». Parmi les valeurs fondamentales du mouvement Desjardins, on cite notamment «la démocratie, l'égalité, l'équité et la solidarité».

Il y a longtemps que Desjardins «impose» les méga-fusions des petites caisses populaires locales érigées pendant des décennies par des citoyens et citoyennes aux moyens modestes, convaincus par la philosophie de la coopération. Dans ma grosse caisse pas populaire du tout de Gatineau, dont le siège social luxueux fait pâlir d'envie toutes les succursales des grandes banques de la métropole outaouaise, les pauvres ne sont plus chez eux…

Certains services de ma caisse (de toutes les caisses sans doute…) coûtent même plus cher aux petits épargnants qu'aux membres mieux nantis. À chaque fin de mois, ma caisse jadis populaire impose des frais fixes de 9,95$ (dans les comptes chèque), quand les soldes sont inférieurs à 4000 $. Je n'ai pas de statistiques mais j'ai l'impression que pour la majorité des gens, l'objectif d'avoir des milliers de dollars en réserve dans un compte chèque, sans interruption, est rarement atteint. On guette le plus souvent les fins de mois en espérant que les dépenses et revenus soient relativement équilibrés…

Ce que cela signifie, c'est que tous ceux et celles qui peuvent maintenir des soldes de 4000 $ et plus dans leur compte n'ont pas à payer ces frais fixes de 10$ par mois. Alors si j'ai bien compris, ma caisse jadis populaire appauvrit ses membres à capacité d'épargne plus modeste en leur arrachant 120$ par année, une somme que les portefeuilles mieux garnis - et qui en ont moins besoin - n'ont pas à débourser. Comme esprit de solidarité, d'égalité et de coopération, c'est raté. De fait, j'ai rarement vu pire… Robin des bois à l'envers...

Quand j'étais enfant, j'allais à ma caisse alors populaire avec 10 cents, 25 cents, parfois 1$ et le déposait au comptoir avec mon livret, dans lequel mon dépôt était consigné à la main par une caissière. Ces jours-ci, alors que tout semble pouvoir se faire par Accès D et Internet, les caisses jadis populaires font tout pour éloigner les membres qui veulent poursuivre cette vieille tradition d'effectuer des transactions courantes aux locaux de la caisse, avec un vrai livret en papier. Quelle idée bizarre en 2016… un humain voulant rencontrer un autre humain dans un mouvement qui se dit coopératif, qui associe, rappelle-t-on avec insistance, des «personnes» et non des «capitaux».

Or, voilà que depuis juillet 2016 sont apparus dans de nombreux comptes chèque dont le mien, des frais mensuels de «tenue de compte» de 2,50$. Un autre 30$ par année qu'on me prend (alors qu'on ne verse à peu près aucun intérêt), et c'est, semble-t-il, parce que je tiens à mon livret, et à ma balade occasionnelle jusqu'au guichet de la caisse jadis populaire pour m'y faire servir par un humain et non M. (ou est-ce Mme) AccèsD… Depuis juillet 2016, on me dit que «le relevé de compte papier et le livret engendrent des coûts importants pour Desjardins», des coûts équivalents à ceux des «autres institutions financières» (les banques, je suppose)...

Si je faisais tout par ordi, si je laissais les couloirs du beau et grand siège social se faire arpenter par ceux et celles qui ont de vraies grosses affaires à brasser dans ma caisse-quasi-banque jadis populaire, et non pour obtenir du «petit change» pour un billet de 20$ (le seul billet que crachent les guichets automatiques) ou mettre le livret papier à jour, eh bien je n'aurais pas de frais de tenue de compte à payer… On me donnera toutes les justifications imaginables, ces frais n'ont rien de coopératif et tout des grosses bureaucraties bancaires gluantes…

On peut toujours contester ces irritants à l'assemblée générale annuelle de nos caisses jadis populaires, j'imagine. J'ai tenté ce coup deux fois dans les années 1990, avant les ultimes fusions qui ont fait des caisses de Gatineau une grosse machine obèse et invincible… À moins d'arriver avec quelques centaines d'autres membres ayant le même agenda que soi, et quelques avocats en soutien, les chances d'aller plus loin qu'une mention au procès-verbal sont plutôt minces…

Ma seule arme, c'est ma plume… et on me permettra de la tremper dans le vinaigre pour dire ma façon de penser aux décideurs (pas aux employés et cadres qui restent fort gentils et serviables) de nos caisses jadis populaires et du «mouvement» (!!!) Desjardins. La semaine dernière, j'ai rencontré un membre de ma caisse sans doute plus en moyens que moi, et son conseiller financier va le rencontrer à la maison… Je me demande combien de membres tirant le diable par la queue reçoivent un tel service…

Alphonse Desjardins se retourne-t-il dans sa tombe?




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