dimanche 22 janvier 2023

Réflexions sur le Jour du drapeau

Ontario - Canada.ca

Hier, 21 janvier, c'était le Jour du drapeau au Québec, et le 75e anniversaire de notre fleurdelisé ! Difficile d'écrire quelque chose de nouveau là-dessus ! Des plumes bien meilleures que la mienne ont déjà gravé dans la mémoire collective son histoire et leurs éloges.

En épluchant mon passé, espérant trouver quelque anecdote digne de mention, je me suis souvenu (comment l'oublier?) que j'avais passé les premières 29 années de ma vie à Ottawa et que l'Ontario, ma province natale, avait elle aussi son emblème.

Vous le voyez ci-haut, au début du texte. C'est le drapeau de l'Ontario... Vous ne le reconnaîtrez peut-être pas (comme bien des Ontariens j'imagine)... Vous n'avez peut-être jamais vraiment remarqué sa présence (comme bien des Ontariens j'imagine)... Et de fait, en 2023, il suscite une indifférence à peu près totale. Comme symbole de la province, c'est à peu près nul... D'ailleurs, pour les Anglo-Ontariens, le seul drapeau qui compte désormais, c'est l'unifolié canadien.

Voilà un étrange dénouement au débat qui a provoqué l'adoption de ce drapeau officiel par le gouvernement de John Robarts, en mai 1965. Outrés par l'abandon de l'ancien Red Ensign en faveur de l'unifolié comme emblème canadien, les dirigeants ontariens avaient décidé de le conserver comme drapeau officiel de la province, en y remplaçant les armoiries du Canada par celles de l'Ontario, à droite du Union Jack britannique sur le fond rouge du drapeau.

À cette époque, de nombreux anglophones voyaient l'unifolié rouge comme une concession aux Canadiens français, qui n'avaient jamais raffolé des symboles du conquérant. Le drapeau ontarien était en quelque sorte une revanche contre cette mise au rancart des racines britanniques. Mais ils se trompaient. Le débat sur le drapeau canadien en 1964-65 s'était essentiellement déroulé au Canada anglais, entre anglophones, et on peut considérer le résultat, la feuille d'érable rouge entre deux bandes rouges sur centre blanc, comme une victoire des Anglo-Canadiens d'origine irlandaise et écossaise sur ceux et celles d'origine anglaise... Au Québec, c'était l'indifférence générale. Le fleurdelisé suffisait.

Les rares voix discordantes au moment de l'adoption du Red Ensign ontarien en 1965 avaient fait valoir qu'une telle manifestation de l'attachement à l'empire britannique ne correspondait plus à la diversité croissante de l'Ontario. L'évolution socio-démographique de la province la plus peuplée du Canada au cours des 60 dernières années leur a sans doute donné raison, et la majorité des Ontariens de 2023 doivent trouver le design plutôt archaïque.

De fait, le terne drapeau officiel de l'Ontario est à peu près absent des paysages, du moins à Ottawa et dans l'Est ontarien, alors que l'unifolié est omniprésent. Dans les régions où il existe des concentrations de francophones, le drapeau franco-ontarien blanc et vert (créé en 1975) est plus souvent visible que l'emblème officiel de la province.

Les automobilistes qui circulent sur la 417 verront le Red Ensign ontarien (ainsi que l'unifolié) au kiosque touristique de la province situé à quelques kilomètres de la frontière québécoise et du kilomètre zéro de l'autoroute 40. On passe devant sans cligner de l'oeil, sans que le rythme cardiaque augmente, sans émotion. Il définit l'Ontario jusqu'aux années 1960. La langue anglaise, l'allégeance britannique.

Quand je roule en direction est à cet endroit, sur la longue droite finale de la 417 qui mène au Québec, mon oeil se fixe sur l'horizon, jusqu'à ce qu'apparaisse la seule colline où, du sommet, on amorce la descente vers l'autoroute Félix-Leclerc. En traversant la frontière, un grand mat se dresse, au bout duquel flotte au vent un magnifique fleurdelisé devant lequel personne ne reste indifférent. Tous les visiteurs comprennent: vous êtes ici au Québec. Pour nous, c'est depuis 75 ans le fier symbole de ce que nous sommes et de ce à quoi nous aspirons. Pour ceux qui détestent ce que nous sommes et ce à quoi nous aspirons, c'est un drapeau qu'on pourra piétiner au besoin... 

Dans ma ville, Gatineau, cinq ponts relient les rives ontarienne et québécoise. Pour les Ontariens (et pour de nombreux Gatinois), la métropole de l'Outaouais est devenue une banlieue dortoir d'Ottawa. Qu'attend Québec pour dresser, à l'extrémité québécoise de chaque pont, un immense mat bien visible, chacun avec son fleurdelisé géant? Tout le monde comprendrait le sens d'un tel geste... Peut-être un projet pour le prochain Jour du drapeau, 21 janvier 2024?


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