mercredi 26 février 2025

Charles de Gaulle. Des documents à conserver...

Le 29 décembre 1989, mon ancien quotidien, Le Droit (Ottawa et Gatineau), a fait un grand saut vers le virtuel en confiant à la rédaction et à ses écrans tout le travail qu'exécutaient auparavant les employés de l'atelier de composition, supprimant les emplois de ces derniers.

L'entreprise a aussi vendu sa bâtisse, construite au début des années 1950, ainsi que ses immenses presses offset (supprimant du même coup les emplois des pressiers) pour emménager comme locataire dans des locaux plus exigus. Un jour triste, déchirant, annonciateur de pire...

Avant et surtout après le déménagement, on a rempli bien des boîtes (et des poubelles?), y compris à la salle des nouvelles où l'une des principales victimes fut sans doute le centre de documentation créé au cours des premières décennies d'existence de ce journal fondé en 1913. Des milliers de documents précieux accumulés depuis plus d'un demi-siècle ont été détruits, sont disparus ou ont été entreposés on ne sait trop où....

J'avais cependant réussi à protéger d'un néant éventuel une douzaine de dossiers, dont ceux des élections québécoises (1966-1976) et du général Charles de Gaulle. Trente-cinq ans plus tard, le même dilemme se présente alors que mon épouse et moi nous apprêtons à troquer la maison familiale pour un appartement qui ne permettra pas de conserver plus de la moitié de mes livres et paperasses.

La une du Droit du mardi 25 juillet 1967...

En épluchant mes tiroirs de classeur à la recherche de matière pour le bac de recyclage, je suis tombé sur quatre chemises du Droit portant le nom «DE GAULLE, Charles» et les ai passées au peigne fin. Sans être très étoffés ces dossiers contiennent tout de même quelques pièces rares, voire uniques, méritant de ne pas terminer leur existence dans un camion d'ordures ou une usine de récupération...

Je donnerai comme premier exemple le document ci-dessous: six feuilles brochées datées du 5 juillet 1944 (entre le Jour J et la libération de Paris), provenant du «Centre d'information français» à Ottawa et destinées aux médias avant une visite officielle du général De Gaulle en Amérique du Nord. Ce texte immortalise un moment clé de l'histoire où De Gaulle incarnait les forces de combat et de résistance à l'extérieur et à l'intérieur d'une France toujours largement occupée par les armées hitlériennes.

On peut y lire notamment: «Sous la direction du général de Gaulle a maintenant une armée d'un demi-million d'hommes qui combat en dehors de France et une armée intérieure en France de plusieurs centaines de milliers qui combat de manière différente sous forme de guérillas, d'attaques à main armée, de sabotage.» Combien reste-t-il de copies de cette lettre aux médias? Est-ce la dernière?

Une des quatre chemises, davantage consacrée à la célèbre visite de juillet 1967 au Québec, conserve, en plus de coupures de presse, les textes originaux - dactylographiés - des deux journalistes, Marcel Pépin et Marcel Desjardins - que Le Droit avait affectés à la couverture en direct de l'arrivée du général à l'Anse-au-Foulon, de son trajet sur le chemin du Roy et de son discours devant le balcon de l'hôtel de ville de Montréal le lundi 25 juillet (voir photo ci-dessous).

Le premier feuillet du texte des journalistes Marcel Pépin et Marcel Desjardins envoyé à la salle des nouvelles du Droit par Telex le soir du 24 juillet 1967

Ces textes maison, en plus de rappeler la technologie rudimentaire de l'époque, mettent en lumière la robustesse d'une presse régionale capable de déléguer deux de ses meilleurs scribes à un événement qui a dû nécessiter de longues heures payées en temps supplémentaire. Ces journalistes ont quitté le quotidien de la capitale fédérale quelques années plus tard pour poursuivre de brillantes carrières.

Marcel Pépin, après des passages au Soleil et à La Presse, est devenu ombudsman de la Société Radio-Canada, vice-président la la radio française de la SRC et président de la Commission d'accès à l'information du Québec. Marcel Desjardins est passé à La Presse en 1970, avant d'être nommé directeur de l'information à Montréal-Matin en 1976 puis, en 1979, accède au poste de rédacteur en chef des nouvelles télévisées à Radio-Canada. À sa mort en 2003, il était vice-président et éditeur adjoint du quotidien La Presse.

Dans le dossier #3 de l'ancien centre de documentation, on retrouve une compilation de 126 pages de «nouvelles et commentaires de la presse anglophone du Québec et du Canada» au sujet du passage québécois du général de Gaulle en juillet 1967. On en lit des vertes et des pas mûres. Combien d'exemplaires de cette compilation de l'Office d'information et de publicité du Québec ont-ils survécu au cours des 58 dernières années? En tout cas, j'en ai toujours un...

Le texte présenté à la page 89 du dossier de la presse anglophone (texte du Ottawa Journal)


Enfin, la chemise #4 contient des cahiers spéciaux du quotidien Le Figaro de Paris (y compris les unes) annonçant la mort du général ainsi que les événements des jours suivants, les commentaires de partout et les biographies de circonstance. Là aussi, ce sont des documents précieux qu'on ne retrouverait plus très facilement... 

Bon, je reviens à ma question de départ. Je les ai sauvés de la poubelle. J'ai 78 ans et l'espace manquera bientôt. Que vais-je en faire?

2 commentaires:

  1. Peut-être que l'ambassade de France à Ottawa serait intéressée à les conserver? Cela vaudrait la peine d'essayer. Il y aurait aussi le service d'archives de la Ville de Montréal, là où se trouve le fameux balcon...

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  2. Un endroit pour les conserver serait le Centre de civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa. Après tout Le Droit a été fondé pour appuyer la lutte des francophones de l'Ontario.

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