vendredi 14 mars 2025

Terroristes au pouvoir à Washington...

Le sénateur Bernie Sanders, du Vermont

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Ce qui se passe depuis le 20 janvier aux États-Unis me fait peur, mais ce qui ne s'y passe pas - du moins jusqu'à maintenant - me terrorise!

Je suis assez vieux pour avoir vu les jeunes générations des années 1960 ébranler le monde occidental. Pendant que les campus québécois carburaient au rêve d'un Québec indépendant, des foyers de contestation éclataient partout dans les universités américaines contre le racisme tenace qui empoisonnait le pays, et encore davantage contre l'intervention militaire au Vietnam.

Entre l'appel émouvant de Martin Luther King en 1963 devant plus de 250 000 manifestants à Washington et les protestations massives contre la guerre du Vietnam en fin de décennie - 400 000 personnes à New York en avril 1967 et 500 000 à Washington en novembre 1969 - la société américaine tout entière était en ébullition.

Des milliers de jeunes Américains brûlaient leur carte de conscription militaire, la télé retransmettait en direct à tous les jours les horreurs du bourbier vietnamien, des politiciens démocrates en vue (Eugene McCarthy, George McGovern, Robert Kennedy) montaient aux barricades, et une brutale répression policière s'intensifiait devant une presse aux aguets.

Dans la rue, sur les scènes et les ondes, des folk singers et des vedettes rock entonnaient les hymnes de résistance qui ont marqué leur époque - We shall overcome (Joan Baez), Masters of war (Bob Dylan), I ain't marchin' any more (Phil Ochs) et bien d'autres, sans oublier la prestation fracassante de Country Joe McDonald et l'hymne national guerrier de Jimi Hendrix devant des centaines de milliers de spectateurs au festival de musique de Woodstock (1969).

La mobilisation s'était étendue à toutes les strates de la société, entraînant dans ses vagues un président sortant (Lyndon Johnson) et l'ordre sociétal qui, jusque là, avait été la marque de commerce des États-Unis d'Amérique. En dépit du ressac accompagnant la victoire de Nixon en 1968, les mécanismes de contrepoids à son régime corrompu fonctionnaient à plein et Tricky Dick finit par tomber en 1974 au champ de déshonneur.

Les enjeux étaient certes existentiels à l'époque (droits civils, guerre au Vietnam, justice sociale), mais étant en mesure de comparer hier et aujourd'hui, les menaces que le président actuel fait peser sur les Américains et sur la planète entière me semblent bien plus graves: agressions territoriales imminentes contre des amis et alliés (Canada, Groenland, Panama), guerre économique mondiale sans provocation, rupture des alliances étrangères en force depuis le second conflit mondial, flirt avec les oligarques et dictateurs, déportation inhumaine de centaines de milliers d'immigrants, démantèlement de l'État et de toutes les protections réglementaires (éducation, environnement, programmes sociaux, aide humanitaire, etc.).

Alors que Trump accapare les pouvoirs des législateurs au Congrès, évoque un troisième mandat illégal et viole à tous les jours la Constitution qu'il a juré de protéger, la démocratie américaine titube au bord d'un précipice. Et pourtant, on n'assiste pas à un soulèvement général contre une oligarchie bien pire que les Johnson et Nixon des années 1960 et 1970. Les campus sont silencieux, les jeunes zombifiés (comme les 77 millions d'Américains qui ont voté pour Donald) par des années de désinformation sur leurs écrans de téléphones et tablettes, désormais greffés à leur âme.

Voilà ce qui me terrifie. La résistance contre la plus grande menace de l'histoire de nos voisins du Sud est présentement l'affaire d'un petit vieux de 83 ans, le sénateur Bernie Sanders du Vermont. Dieu merci qu'il soit là et en forme! Dans des circonscriptions acquises à Trump, il fait salle comble avec sa campagne Combattons les oligarques! Quand il accuse les plus riches de la planète (Musk, Bezos, Zuckerberg et compagnie) de s'enrichir davantage en privant les plus pauvres de soins de santé, d'éducation et d'aide alimentaire, il touche la cible au coeur et le public est réceptif.

Mais il est seul! Pendant qu'un président fou furieux sème la pagaille autour de lui (et partout au monde), où sont les membres du Congrès américain que Trump dépouille de leurs pouvoirs? Où sont les millions d'étudiants qui s'instruisent pour un monde que leur président est en train de détruire? Où sont les syndicats d'ouvriers (ceux qui restent) dont les emplois se font décapiter par centaines de milliers? Où sont les organisations de défense des droits de tous genres? Où sont les médias et les manifestants quand la Gestapo de Trump agresse des immigrants sans défense? Seuls les scientifiques (particulièrement visés par la bande d'ignorants au pouvoir) semblent ces jours-ci vouloir dresser quelques barricades...

Au Québec comme au Canada, nous sommes en état de guerre. On le sent. Les gens le disent. Ils se défendent comme ils peuvent. À l'épicerie, la clientèle lit les étiquettes. Produit des États-Unis? On cherche autre chose. On sent la menace et la crainte s'installe. On sait, au fond, qu'on ne peut vaincre la puissance militaire et économique américaine. Et que le jour où Trump ordonnera à ses troupes de franchir les frontières québécoise et canadienne, on lui donnera du fil à retordre mais seuls contre lui, l'issue est scellée d'avance.

Non, les seuls qui peuvent abattre Trump et sa bande de fous sans violence, ce sont les Américains eux-mêmes. Calvaire! Où sont-ils???


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