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Les ténors fédéralistes nous cassent les oreilles sans interruption depuis le début de la guerre économique déclenchée par Trump et sa bande contre le Canada (et bien d'autres pays). Devant les agressions tarifaires et une multiplication de menaces d'annexion, on invite sans cesse les Québécois à soutenir le gouvernement fédéral pour présenter un front uni face à l'ami-devenu-ennemi en ce printemps 2025.
Les libéraux de Mark Carney (presque tous d'anciens libéraux de Justin Trudeau) se présentent comme un parti du changement (incroyable!) et veulent un mandat majoritaire pour gérer la crise. Pierre Poilièvre et ses conservateurs, convaincus jusqu'à récemment d'obtenir facilement une majorité aux Communes, veulent nous faire croire eux aussi que le Québec et le Canada peuvent résister avec plus de force à Trump en s'appuyant sur un parti majoritaire au Parlement.
C'est de la bouillie pour les chats! Une variante des mêmes vieilles rengaines sifflotées par Chrétien, Harper et Trudeau depuis les années 1990 pour affaiblir le Bloc québécois et, par ricochet, le mouvement indépendantiste au Québec. Justin Trudeau a-t-il eu besoin d'une majorité aux Communes pour riposter avec beaucoup de fermeté aux taloches du gouvernement Trump entre janvier et mars? Non!
Et son successeur, que ce soit Carney ou Poilièvre, ou quiconque, sait qu'en face de Trump un gouvernement minoritaire n'aurait aucune difficulté à créer un front commun avec l'appui des partis d'opposition (sauf Maxime Bernier s'il est élu). Le Bloc québécois constitue l'une des formations politiques les plus anti-Trump et serait un allié sûr du Canada dans la mesure où les droits du Québec seraient respectés.
On nous dira, comme on le fait toujours, comme si cela allait de soi, que les Québécois ont avantage à élire un député du parti au pouvoir, plutôt qu'un député dans l'Opposition. Et comme le Bloc sera toujours par définition exclu du pouvoir à Ottawa, libéraux et conservateurs (et néo-démocrates) tenteront de nous convaincre qu'un vote pour le BQ est un vote gaspillé. Surtout en situation de crise existentielle.
Voilà l'un des mythes tenaces de l'histoire du Québec et du Canada. La réalité, la vraie, c'est que le Québec francophone forme 20% de la population du Canada, et que ce 20%, même en bloc, ne peut rien contre l'écrasante majorité anglaise. Le Bloc québécois n'aura jamais de pouvoir décisionnel au Parlement avec un potentiel de 50 à 60 députés. Mais ce ne sera guère mieux pour les Québécois élus sous les bannières Carney et Poilièvre, qui se retrouveront minoritaires dans leur formation et soumis à la discipline de leur parti.
Prenons un exemple opportun: la laïcité au Québec et, notamment, la contestation judiciaire du Projet de loi 21. Supposons pour un instant, même si cela apparaît improbable, qu'un candidat libéral soit sympathique à la démarche actuelle du Québec et au principe de laïcité de l'État. Il serait obligé de se taire durant la campagne électorale pour ne pas se désolidariser du parti, qui a déjà annoncé son intention de se joindre aux opposants de la laïcité en Cour suprême. Après son élection, il pourrait toujours faire valoir ses positions à huis clos au sein du caucus mais se ferait rappeler à l'ordre par une majorité hostile. Et on le réduirait au silence aux Communes...
Cette leçon vite apprise servirait à chaque fois (y compris face à Trump) que les enjeux du Québec sont à l'ordre du jour. La gestion de l'offre. L'aluminium. La francophonie. Le projet de loi 96. Les empiétements fédéraux. L'immigration. La liste est interminable. Les intérêts du Canada anglais seront toujours défendus par une députation majoritaire. Ces députés auront toujours le droit de décider, et aussi de faire taire leurs collègues québécois francophones de l'arrière-ban. Ces derniers devront écouter les ministres de leur parti attaquer le Québec en Chambre, baisser la tête... et même applaudir pour la forme.
Un député du Bloc québécois, par contre, est libre de crier haut et fort son appui aux revendications québécoises. Son allégeance première ne va pas à Mark Carney-Mary Simon-Charles III ou à «l'identité canadienne» qui a maintenant son propre ministre au cabinet Carney, mais au peuple québécois dont il devient un porte-étendard au Parlement fédéral. Il exprimera sans réserve - et en français! - les positions et valeurs que Québec défendrait s'il exerçait souverainement les pouvoirs accaparés par Ottawa en 1867 et en 1982. Ces voix québécoises ne seraient jamais entendues à la Chambre des communes si la députation du Québec minoritaire était soumise à la discipline du Parti libéral, du Parti conservateur ou même du NPD.
On nous demande de voter pour des candidats de partis qui combattront la laïcité québécoise devant des juges fédéraux à la Cour suprême, de partis qui financent depuis plus de 50 ans les groupes anglo-québécois oeuvrant par tous les moyens au sabotage de la francisation de l'État et de la société québécoise, au lieu d'appuyer les alliés du Québec au Bloc québécois. On nous demande de voter pour des candidats qui, une fois élus, seront minoritaires au sein de leur formation et réduits au silence au Parlement, soit par solidarité ministérielle, soit sous l'autorité des responsables de la discipline du parti. La parole québécoise trahie et emprisonnée.
J'accepte - nous n'avons guère le choix - que nous soyons minoritaires à la Chambre des communes, à Ottawa. Démocratie et démographie font ici la loi. Avec raison. Alors s'il faut, en attendant l'indépendance, se soumettre à la majorité anglo-canadienne au Parlement fédéral, j'aime autant que nos élus soient libres de parler, libres de faire entendre en français au pays tout entier les voix de ceux et celles, qui, un jour, se donneront un pays à leur image et qui, entre-temps, resteront alliés indéfectibles au Canada anglais dans cet affrontement contre l'axe du mal qui règne à Washington depuis le 20 janvier 2025.