vendredi 28 mars 2025

Pourquoi appuyer le Bloc québécois?


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Les ténors fédéralistes nous cassent les oreilles sans interruption depuis le début de la guerre économique déclenchée par Trump et sa bande contre le Canada (et bien d'autres pays). Devant les agressions tarifaires et une multiplication de menaces d'annexion, on invite sans cesse les Québécois à soutenir le gouvernement fédéral pour présenter un front uni face à l'ami-devenu-ennemi en ce printemps 2025.

Les libéraux de Mark Carney (presque tous d'anciens libéraux de Justin Trudeau) se présentent comme un parti du changement (incroyable!) et veulent un mandat majoritaire pour gérer la crise. Pierre Poilièvre et ses conservateurs, convaincus jusqu'à récemment d'obtenir facilement une majorité aux Communes, veulent nous faire croire eux aussi que le Québec et le Canada peuvent résister avec plus de force à Trump en s'appuyant sur un parti majoritaire au Parlement. 

C'est de la bouillie pour les chats! Une variante des mêmes vieilles rengaines sifflotées par Chrétien, Harper et Trudeau depuis les années 1990 pour affaiblir le Bloc québécois et, par ricochet, le mouvement indépendantiste au Québec. Justin Trudeau a-t-il eu besoin d'une majorité aux Communes pour riposter avec beaucoup de fermeté aux taloches du gouvernement Trump entre janvier et mars? Non!

Et son successeur, que ce soit Carney ou Poilièvre, ou quiconque, sait qu'en face de Trump un gouvernement minoritaire n'aurait aucune difficulté à créer un front commun avec l'appui des partis d'opposition (sauf Maxime Bernier s'il est élu). Le Bloc québécois constitue l'une des formations politiques les plus anti-Trump et serait un allié sûr du Canada dans la mesure où les droits du Québec seraient respectés.

On nous dira, comme on le fait toujours, comme si cela allait de soi, que les Québécois ont avantage à élire un député du parti au pouvoir, plutôt qu'un député dans l'Opposition. Et comme le Bloc sera toujours par définition exclu du pouvoir à Ottawa, libéraux et conservateurs (et néo-démocrates) tenteront de nous convaincre qu'un vote pour le BQ est un vote gaspillé. Surtout en situation de crise existentielle.

Voilà l'un des mythes tenaces de l'histoire du Québec et du Canada. La réalité, la vraie, c'est que le Québec francophone forme 20% de la population du Canada, et que ce 20%, même en bloc, ne peut rien contre l'écrasante majorité anglaise. Le Bloc québécois n'aura jamais de pouvoir décisionnel au Parlement avec un potentiel de 50 à 60 députés. Mais ce ne sera guère mieux pour les Québécois élus sous les bannières Carney et Poilièvre, qui se retrouveront minoritaires dans leur formation et soumis à la discipline de leur parti.

Prenons un exemple opportun: la laïcité au Québec et, notamment, la contestation judiciaire du Projet de loi 21. Supposons pour un instant, même si cela apparaît improbable, qu'un candidat libéral soit sympathique à la démarche actuelle du Québec et au principe de laïcité de l'État. Il serait obligé de se taire durant la campagne électorale pour ne pas se désolidariser du parti, qui a déjà annoncé son intention de se joindre aux opposants de la laïcité en Cour suprême. Après son élection, il pourrait toujours faire valoir ses positions à huis clos au sein du caucus mais se ferait rappeler à l'ordre par une majorité hostile. Et on le réduirait au silence aux Communes...

Cette leçon vite apprise servirait à chaque fois (y compris face à Trump) que les enjeux du Québec sont à l'ordre du jour. La gestion de l'offre. L'aluminium. La francophonie. Le projet de loi 96. Les empiétements fédéraux. L'immigration. La liste est interminable. Les intérêts du Canada anglais seront toujours défendus par une députation majoritaire. Ces députés auront toujours le droit de décider, et aussi de faire taire leurs collègues québécois francophones de l'arrière-ban. Ces derniers devront écouter les ministres de leur parti attaquer le Québec en Chambre, baisser la tête... et même applaudir pour la forme. 

Un député du Bloc québécois, par contre, est libre de crier haut et fort son appui aux revendications québécoises. Son allégeance première ne va pas à Mark Carney-Mary Simon-Charles III ou à «l'identité canadienne» qui a maintenant son propre ministre au cabinet Carney, mais au peuple québécois dont il devient un porte-étendard au Parlement fédéral. Il exprimera sans réserve - et en français! - les positions et valeurs que Québec défendrait s'il exerçait souverainement les pouvoirs accaparés par Ottawa en 1867 et en 1982. Ces voix québécoises ne seraient jamais entendues à la Chambre des communes si la députation du Québec minoritaire était soumise à la discipline du Parti libéral, du Parti conservateur ou même du NPD.

On nous demande de voter pour des candidats de partis qui combattront la laïcité québécoise devant des juges fédéraux à la Cour suprême, de partis qui financent depuis plus de 50 ans les groupes anglo-québécois oeuvrant par tous les moyens au sabotage de la francisation de l'État et de la société québécoise, au lieu d'appuyer les alliés du Québec au Bloc québécois. On nous demande de voter pour des candidats qui, une fois élus, seront minoritaires au sein de leur formation et réduits au silence au Parlement, soit par solidarité ministérielle, soit sous l'autorité des responsables de la discipline du parti. La parole québécoise trahie et emprisonnée.

J'accepte - nous n'avons guère le choix - que nous soyons minoritaires à la Chambre des communes, à Ottawa. Démocratie et démographie font ici la loi. Avec raison. Alors s'il faut, en attendant l'indépendance, se soumettre à la majorité anglo-canadienne au Parlement fédéral, j'aime autant que nos élus soient libres de parler, libres de faire entendre en français au pays tout entier les voix de ceux et celles, qui, un jour, se donneront un pays à leur image et qui, entre-temps, resteront alliés indéfectibles au Canada anglais dans cet affrontement contre l'axe du mal qui règne à Washington depuis le 20 janvier 2025.


vendredi 14 mars 2025

Terroristes au pouvoir à Washington...

Le sénateur Bernie Sanders, du Vermont

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Ce qui se passe depuis le 20 janvier aux États-Unis me fait peur, mais ce qui ne s'y passe pas - du moins jusqu'à maintenant - me terrorise!

Je suis assez vieux pour avoir vu les jeunes générations des années 1960 ébranler le monde occidental. Pendant que les campus québécois carburaient au rêve d'un Québec indépendant, des foyers de contestation éclataient partout dans les universités américaines contre le racisme tenace qui empoisonnait le pays, et encore davantage contre l'intervention militaire au Vietnam.

Entre l'appel émouvant de Martin Luther King en 1963 devant plus de 250 000 manifestants à Washington et les protestations massives contre la guerre du Vietnam en fin de décennie - 400 000 personnes à New York en avril 1967 et 500 000 à Washington en novembre 1969 - la société américaine tout entière était en ébullition.

Des milliers de jeunes Américains brûlaient leur carte de conscription militaire, la télé retransmettait en direct à tous les jours les horreurs du bourbier vietnamien, des politiciens démocrates en vue (Eugene McCarthy, George McGovern, Robert Kennedy) montaient aux barricades, et une brutale répression policière s'intensifiait devant une presse aux aguets.

Dans la rue, sur les scènes et les ondes, des folk singers et des vedettes rock entonnaient les hymnes de résistance qui ont marqué leur époque - We shall overcome (Joan Baez), Masters of war (Bob Dylan), I ain't marchin' any more (Phil Ochs) et bien d'autres, sans oublier la prestation fracassante de Country Joe McDonald et l'hymne national guerrier de Jimi Hendrix devant des centaines de milliers de spectateurs au festival de musique de Woodstock (1969).

La mobilisation s'était étendue à toutes les strates de la société, entraînant dans ses vagues un président sortant (Lyndon Johnson) et l'ordre sociétal qui, jusque là, avait été la marque de commerce des États-Unis d'Amérique. En dépit du ressac accompagnant la victoire de Nixon en 1968, les mécanismes de contrepoids à son régime corrompu fonctionnaient à plein et Tricky Dick finit par tomber en 1974 au champ de déshonneur.

Les enjeux étaient certes existentiels à l'époque (droits civils, guerre au Vietnam, justice sociale), mais étant en mesure de comparer hier et aujourd'hui, les menaces que le président actuel fait peser sur les Américains et sur la planète entière me semblent bien plus graves: agressions territoriales imminentes contre des amis et alliés (Canada, Groenland, Panama), guerre économique mondiale sans provocation, rupture des alliances étrangères en force depuis le second conflit mondial, flirt avec les oligarques et dictateurs, déportation inhumaine de centaines de milliers d'immigrants, démantèlement de l'État et de toutes les protections réglementaires (éducation, environnement, programmes sociaux, aide humanitaire, etc.).

Alors que Trump accapare les pouvoirs des législateurs au Congrès, évoque un troisième mandat illégal et viole à tous les jours la Constitution qu'il a juré de protéger, la démocratie américaine titube au bord d'un précipice. Et pourtant, on n'assiste pas à un soulèvement général contre une oligarchie bien pire que les Johnson et Nixon des années 1960 et 1970. Les campus sont silencieux, les jeunes zombifiés (comme les 77 millions d'Américains qui ont voté pour Donald) par des années de désinformation sur leurs écrans de téléphones et tablettes, désormais greffés à leur âme.

Voilà ce qui me terrifie. La résistance contre la plus grande menace de l'histoire de nos voisins du Sud est présentement l'affaire d'un petit vieux de 83 ans, le sénateur Bernie Sanders du Vermont. Dieu merci qu'il soit là et en forme! Dans des circonscriptions acquises à Trump, il fait salle comble avec sa campagne Combattons les oligarques! Quand il accuse les plus riches de la planète (Musk, Bezos, Zuckerberg et compagnie) de s'enrichir davantage en privant les plus pauvres de soins de santé, d'éducation et d'aide alimentaire, il touche la cible au coeur et le public est réceptif.

Mais il est seul! Pendant qu'un président fou furieux sème la pagaille autour de lui (et partout au monde), où sont les membres du Congrès américain que Trump dépouille de leurs pouvoirs? Où sont les millions d'étudiants qui s'instruisent pour un monde que leur président est en train de détruire? Où sont les syndicats d'ouvriers (ceux qui restent) dont les emplois se font décapiter par centaines de milliers? Où sont les organisations de défense des droits de tous genres? Où sont les médias et les manifestants quand la Gestapo de Trump agresse des immigrants sans défense? Seuls les scientifiques (particulièrement visés par la bande d'ignorants au pouvoir) semblent ces jours-ci vouloir dresser quelques barricades...

Au Québec comme au Canada, nous sommes en état de guerre. On le sent. Les gens le disent. Ils se défendent comme ils peuvent. À l'épicerie, la clientèle lit les étiquettes. Produit des États-Unis? On cherche autre chose. On sent la menace et la crainte s'installe. On sait, au fond, qu'on ne peut vaincre la puissance militaire et économique américaine. Et que le jour où Trump ordonnera à ses troupes de franchir les frontières québécoise et canadienne, on lui donnera du fil à retordre mais seuls contre lui, l'issue est scellée d'avance.

Non, les seuls qui peuvent abattre Trump et sa bande de fous sans violence, ce sont les Américains eux-mêmes. Calvaire! Où sont-ils???