vendredi 6 juin 2025

Legault a reconnu la suprématie de l'intérêt «national» du Canada...Et «l'intérêt national» du Québec? Pas vu...

Photo publiée par la Chambre de commerce de Saskatoon

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Si la «Déclaration des premiers ministres du Canada, des provinces et des territoires» du 2 juin sur l'économie avait été endossée par des collabos anglophiles comme Jean Charest ou Philippe Couillard, je n'aurais pas trop sourcillé. Mais quand François Legault, celui-là même qui se dit «chef de la nation québécoise», y appose son sceau d'approbation, cela relève presque de la trahison.

Le premier ministre du Québec a convenu, comme ses «collègues», de «faire avancer les grands projets d'intérêt national», comme s'il était évident que les intérêts du Canada et de la «nation» sont synonymes, comme si le Québec-nation n'avait pas lui aussi son propre «intérêt national». Et au cas où tout cela ne soit pas suffisamment clair, on ajoute que l'objectif de l'avancement de ces «grands projets d'intérêt national» est de «bâtir un Canada fort, résilient et uni».

Que des mots, direz-vous? Absolument pas. L'expression «intérêt national», entre les mains du gouvernement fédéral, porte un contenu très réel et une valeur juridique confirmée par la Cour suprême du Canada, qui juge les enjeux québécois d'intérêt régional ou local. La décision de décembre 2011 des juges suprêmes (nommés par Ottawa) sur les valeurs mobilières constitue un excellent exemple du sens accordé à «l'intérêt national» (voir lien 1 en bas de page).

Mais il y a pire. Le 25 mars 2023, dans sa décision sur la taxe carbone, (voir lien 2 en bas de page) la Cour suprême a décidé qu'Ottawa pouvait légiférer dans les domaines de compétence «provinciale» s'il estimait l'intérêt national (comprendre l'intérêt du Canada) menacé par l'action ou l'inaction d'une province (y compris le Québec bien sûr).

Et ce n'est pas tout. Forts de l'autorité conférée par la Constitution des longs couteaux de 1982, les juges ont ajouté: «L'effet de la reconnaissance d'une matière en vertu de la théorie de l'intérêt national est permanent et confère compétence exclusive au Parlement fédéral en cette matière». Notez bien les précisions de «compétence exclusive» et du mot «permanent». 

Mark Carney répète sur toutes les plates-formes depuis l'éclosion de la folie orange à Washington qu'il veut «une économie» au Canada, et non 13. Qu'il y va de l'intérêt national. Pour un Canada «fort, résilient et uni». Pareil sur les plans identitaire et culturel où, disait Mark Carney-Charles III dans le Discours du Trône, la culture québécoise est désormais une composante de l'identité canadienne. Je n'ai pas entendu beaucoup de protestations...

Ainsi, en adhérant aux projets économiques d'intérêt «national», en reconnaissant l'application pan-canadienne du mot «national», Québec vient de donner à Ottawa un chèque en blanc pour envahir ses propres compétences, marginaliser son économie et même bloquer des projets conçus dans l'intérêt de la nation québécoise s'ils sont considérés par le premier ministre fédéral comme une menace à son intérêt national.

Tout au plus a-t-il obtenu l'engagement de respecter la «spécificité du Québec» en matière de la mobilité de la main-d'oeuvre... et ça, bien sûr, à moins qu'on y voit à Ottawa une menace à son «intérêt national»... Le rouleau compresseur de la centralisation se remettra aussitôt en marche...

Vivement l'élection du Parti québécois, dans notre «intérêt national»!

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