mardi 5 septembre 2017

Les effets du bilinguisme collectif... Statistique Canada sera mon avocat...


Je sais que c'est plate, mais que voulez-vous, parfois il faut s'imposer de lire des colonnes de chiffres parce qu'elles sont importantes... pour nous tous, mais surtout pour ces ignorants néo-colonisés désireux de nous précipiter dans un bilinguisme collectif qui finira par nous achever comme peuple.

J'en ai plein le dos de m'expliquer là-dessus, de répéter ad nauseam que je favorise le bilinguisme individuel par choix et même, le plurilinguisme individuel. Ce que je dénonce, c'est cette engouement pour un bilinguisme tous azimuts des nouvelles générations de Québécois. L'expérience vécue ailleurs au Canada démontre que cela mène à un nouvel unilinguisme... anglais cette fois.

Et je sais de quoi je parle... Je suis né et j'ai grandi à Ottawa, en Ontario, où le pouvoir anglicisant de l'État provincial doublé d'un racisme anti-francophone historique ont fait - via un bilinguisme obligatoire - des ravages d"assimilation dans les collectivités franco-ontariennes au cours des cent dernières années...

Je ne demande à personne de me croire sur parole. Statistique Canada sera mon avocat, avec ses recensements qui dépeignent avec une précision chirurgicale les nuances identitaires des collectivités francophones, tant au Québec que dans les provinces à majorité anglaise. 

Les statisticiens fédéraux viennent de publier les données linguistiques du recensement de 2016 et en dépit des cafouillages pour les calculs québécois, le constat s'avère dramatique pour quiconque se donne la peine de consulter le profil de la francophonie dans l'ensemble des régions, villes et villages du pays.

Vous me permettrez de citer en exemple le dernier demi-siècle des comtés de Prescott et Russell, dans l’Est ontarien, majoritairement francophones et adossés à la frontière montérégienne du Québec. Ce qui y est arrivé et ce qui continue de s’y produire ressemble au sort que subiront les régions les plus fragiles du Québec français au cours des prochaines décennies…

À entendre certains zélés anglophiles, y compris le premier ministre Couillard, les jeunes Québécois ont tous avantage à apprendre l’anglais pour réussir au 21e siècle. Et ce message est colporté avec véhémence, presque haineusement, par nombre de ceux et celles qui ne cessent d’attaquer les défenseurs de la langue et de la culture française chez nous.

Pour le moment, environ la moitié de la population québécoise demeure unilingue française, mais cette proportion diminue d’année en année. La part des bilingues frise désormais le seuil des 45%... Le fait que 90% des Anglo-Canadiens soient unilingues anglais ne semble émouvoir personne, mais ces 50% d’unilingues français au Québec semblent un irritant majeur pour nos néo-Rhodésiens…

Revenons à Prescott-Russell qui, au début des années 1950, ressemblait un peu au Québec contemporain, du moins sur le plan linguistique. Environ la moitié de la population totale était unilingue française, avec 39% de bilingues (majoritairement des francophones) et près de 14% d’unilingues anglais. Dans de nombreux villages de la plaine est-ontarienne, on aurait pu se croire au Québec…

Le taux d’unilinguisme dans une société sert tout au moins à indiquer la capacité de vivre à peu près exclusivement dans sa langue maternelle. L’apprentissage d’une langue seconde (l’anglais par les francophones, notamment) relève bien plus du besoin et de l’obligation que du libre choix. Alors, selon le recensement fédéral de 1951, la moitié des gens de Prescott-Russell n’avaient pas besoin de l’anglais…

La situation change rapidement à partir des années 1960, un peu à l’image du virage qu’amorce présentement le Québec. Au recensement de 1961, la part des unilingues français a chuté à 42,5% ; en 1971, à 40%... Et si on fait un saut aux trois derniers recensements, ceux de 2006, 2011 et 2016, la proportion d’habitants de Prescott-Russell qui ne connaissent que le français comme langue officielle passe de 15,1% à 12,8%, puis cette année à 11,4%...

En chiffres absolus, il y avait plus de 20 000 unilingues français sur une population totale d’un peu plus de 40 000 en 1951, et aujourd’hui il en reste à peine 10 000 pour une population totale de 88 000... Pendant ce temps la proportion de bilingues a bondi de 39% à 67%, et la part des unilingues anglais s'est fortement accrue, de 14% à 21%.  Il y a aujourd'hui presque deux fois plus d'unilingues anglais que d'unilingues français dans les comtés «francophones» de Prescott-Russell...

Vous avez sans doute déjà une indigestion de chiffres mais j'en ajouterai quelques autres, tout aussi primordiaux. Dans ces deux comtés, environ 82% des francophones sont bilingues alors que plus de 60% des anglophones ne parlent que l'anglais. On devine vite quelle langue est devenue la plus essentielle... Comme l'écrivait un lecteur anglo au Toronto Sun, il y a quelques années, «There is no reason for us to learn French, but every reason for you to learn English, OK?» Oui bwana...

Alors il se passe dans Prescott-Russell ce qui arrive aux francophones des autres régions de l'Ontario en bien pire... Chaque nouvelle génération de francophones bilingues laisse, au sein de la génération suivante, une proportion appréciable d'enfants unilingues anglais... Ce phénomène d'assimilation s'accélère hors-Québec, et s'amorce perceptiblement au Québec, particulièrement dans les régions de l'Outaouais et du grand Montréal...

Et à chaque fois qu'une voix s'élève pour rappeler des faits en matière linguistique, les injures fusent dans les réseaux sociaux, tel ce commentaire sur Twitter qui rappelle le colonialisme encore récent qui sévissait ici: «Apprendre l'anglais c'est indispensable ! Les nationnaleux (sic) veulent nous garder ignorants»... Inutile d'ajouter qu'on ne semble pas considérer les anglos unilingues comme ignorants. Ils parlent la langue dominante...

Personne ne trouve anormal que l'immense majorité des Anglo-Canadiens ne connaisse que l'anglais. Pourquoi ne serait-il pas normal que la moitié ou la majorité des Franco-Québécois ne maîtrise que le français dans une société où le français est la langue commune? Trop d'entre nous conservons, quelque part au fond de notre ADN, la vieille mentalité de conquis...

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NB - J'ai commencé à éplucher le recensement 2016. Ce n'est qu'un début...



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