Mme Sheila Martin - photo Radio-Canada
En règle générale, nos fédéralistes québécois se préoccupent bien plus de combattre les «séparatistes» que de promouvoir le fédéralisme...
S'ils étaient véritablement fédéralistes, ils auraient protesté avec la dernière énergie contre le processus de nomination de Mme Sheila Martin au banc de la Cour suprême du Canada. De fait, ils élèveraient la voix à chaque nomination d'un ou d'une juge au plus haut tribunal du pays...
Pourquoi? Parce que dans une fédération, les deux ordres de gouvernement sont censés demeurer juridiquement égaux, chacun indépendant de l'autre dans ses domaines de compétence.
On sait que le Canada n'a jamais fonctionné ainsi, mais tant que cette «édifice» de onze gouvernements (je ne compte pas les territoires) se réclamera du fédéralisme, il me semble qu'il doive au moins en respecter les principes de base.
L'enjeu, ici, c'est le droit du premier ministre fédéral de nommer les juges de la Cour suprême... On aura beau invoquer de beaux mécanismes de consultation, la décision finale appartient à Justin Trudeau. Comme à Stephen Harper avant lui... Comme autrefois à Jean Chrétien, Brian Mulroney, Trudeau père et les autres...
Si la Cour suprême se contentait de juger les lois de compétence fédérale, le problème serait confiné aux limites du pouvoir qu'un pays accepte de confier au chef du gouvernement central.
Mais, et voila le hic, les neuf juges de la rue Wellington, à Ottawa, sont aussi appelés à se prononcer sur la validité des lois du Québec (celles des provinces à majorité anglaise itou) et même, dans certains grands litiges, à arbitrer sans appel les différends ou affrontements fédéral-provinciaux...
Peut-on concevoir, en cas de désaccord entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de l'ALÉNA ou de tout autre traité, que le Canada accepte toujours d'être jugé par un ou plusieurs arbitres nommés exclusivement par les Américains? Poser la question, c'est y répondre...
Alors pourquoi le gouvernement québécois reste-t-il planté là, penaud, bras croisés, pendant qu'un tribunal nommé par le seul premier ministre fédéral se permet de charcuter la Loi 101, de tenter de dicter unilatéralement les conditions d'accès du Québec à la souveraineté, ou encore d'affirmer la suprématie d'une charte fédérale que le Canada anglais a agressivement imposée aux Québécois?
Les fédéralistes devraient être les premiers à protester, à déclarer haut et fort que cette façon de faire viole l'esprit et la lettre du fédéralisme, à exiger que les lois québécoises soient jugées par des tribunaux du Québec, et surtout, à réclamer que tout différend législatif, politique ou judiciaire entre Ottawa et Québec soit jugé par un arbitre acceptable aux deux parties.
Sur le plan judiciaire, le régime actuel donne à Ottawa - que dise-je, au seul premier ministre fédéral - des droits nettement supérieurs à ceux du Québec et des autres provinces. Les dés sont pipés. Un fédéraliste qui accepte une telle situation n'est pas digne de se dire fédéraliste...
Être chef du Parti québécois, je promettrais - en cas de gouvernement péquiste bien sûr - de ne plus reconnaître l'autorité de la Cour suprême du Canada quand celle-ci empiète sur les droits législatifs du Québec... tant qu'Ottawa et Québec ne s'entendront pas sur une formule d'arbitrage qui reconnaisse l'égalité et la souveraineté de chaque ordre de gouvernement dans ses compétences.
En passant, c'est un engagement que pourraient aussi prendre les libéraux, les caquistes et les solidaires... Il peut y avoir là-dedans matière à unanimité (au moins chez les francophones)...
Et si Ottawa refuse de négocier, comme on peut s'y attendre, vu ses agissements passés et présents, alors le mot clé devient NONOBSTANT... à répétition, à répétition...
Si les fédéralistes réussissent ce tour de force, le fédéralisme canadien en sortira gagnant. Si les indépendantistes entreprennent ce combat et le gagnent, ce pourrait être un premier pas vers d'autres combats et d'autres victoires... Jusqu'où?
Enfin, commençons par le commencement...
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