dimanche 22 octobre 2023

Desjardins: l'hexagone sans abeilles...

Capture d'écran de La Presse

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Non mais nous prennent-ils pour des niaiseux? Peut-être, après tout, ont-ils raison de penser ainsi... Entre les spécialistes en marketing et les milliards en publicité, nous sommes plutôt mal équipés pour répliquer aux sornettes qu'on nous fait avaler quotidiennement. Que voulez-vous répondre au spécialiste qui vous affirme que hausser les taux d'intérêt fera baisser ces prix excessifs qui vident vos portefeuilles et engraissent une bande de voleurs? J'entends déjà ce spécialiste m'expliquer d'un ton condescendant que je n'y comprends rien...

Le plus récent ajout à ce palmarès de l'incompréhension? Notre belle et grande coopérative jadis populaire, Desjardins, forte de ses plus de 550 millions $ de bénéfices au second trimestre 2023, vient d'annoncer la suppression de 400 emplois, principalement à Montréal et à Lévis (en plus de 176 autres en juin). Quand j'ai lu le motif invoqué par la direction de Desjardins, j'en suis resté bouche bée: «La volatilité, l'inflation, le ralentissement, etc. ajoutent une pression supplémentaire qui nous amène à avoir une gestion saine et prudente», a déclaré un porte-parole à Radio-Canada.

Si on me lançait une sottise pareille pour annoncer la suppression de mon emploi et celui de 399 de mes collègues, je demanderais une traduction en langage normal. L'entreprise coopérative est-elle en difficulté financière? Quand on a créé ces postes, cela ne faisait-il pas partie d'une «gestion saine et prudente»? Qui va accomplir les tâches qui occupent toujours ces membres du personnel 35 ou 40 heures par semaine? Leur départ va-t-il surcharger les collègues qui restent et réduire la qualité du service aux membres? Mettre des centaines de fidèles employés au chômage sans même consulter les membres de Desjardins, est-ce faire preuve d'esprit coopératif?

Après des décennies à construire, village par village, paroisse par paroisse, quartier par quartier, un réseau de centaines de caisses populaires regroupant cinq millions de membres coopérateurs, on a assisté depuis la fin du 20e siècle à l'infiltration des modes de gestion bancaires que nos coops devaient humaniser. On a fermé les petites caisses, regroupé celles qui restaient pour former des méga-caisses auxquelles on a retiré l'appellation «populaire», puis fusionné les fédérations pour en faire un gros monstre centralisé où la la mort de la démocratie coopérative est fort bien illustrée dans le logo de Desjardins: un hexagone vidé de ses anciennes ruches. On achève le nettoyage avec la fermeture de guichets automatiques jugés non rentables, doublée d'irritants comme l'abolition des carnets de caisse. Et les membres - j'ose à peine dire ce mot - là-dedans? Ouais...

Et alors, la semaine dernière, utilisant la langue de bois de la Banque de Montréal, de la CIBC ou des autres, on annonce aux médias que 400 humains qui rendaient tous les jours des services au réseau Desjardins et à ses membres n'auront plus d'emploi. Le texte dans La Presse ne mentionne rien au sujet de l'urgence de prendre de telles mesures contre le personnel. Au contraire, le reporter écrit: «Au deuxième trimestre (de 2023), Desjardins a dévoilé un excédent en hausse dans la foulée d'une amélioration des revenus d'intérêt et d'une augmentation des excédents dans le secteur de l'assurance.» Ce n'était pas assez? Fallait, par «prudence» ou pour plaire à je-ne-sais-trop-qui, réduire la masse salariale de 40 ou 50 millions$? Et les humains là-dedans? Les employés d'abord bien sûr, mais aussi les membres. Si on m'avait demandé comme membre de sacrifier une fraction de ristourne pour conserver les emplois de 400 de «nos» employés, j'aurais voté Oui.

L'article du Journal de Montréal précise que «les profits avant ristourne atteignent 895 millions $ chez Desjardins pour les six premiers mois de son année financière (en date du 30 juin 2023)». Et un porte-parole de Desjardins de préciser, pour justifier une coupe de 400 emplois: «il y a régulièrement des ajustements au sein des différentes équipes». Allez raconter aux nouveaux chômeurs qu'on les a mis à la porte pour faire quelques «ajustements». Ceux et celles qui mériteraient de prendre la porte, ce sont ces dirigeants qui ont remplacé l'esprit coopératif par de viles pratiques bancaires. La Banque Scotia, après avoir encaissé plus de 2 milliards $ de profits pour le second trimestre de 2023, a mis 2700 employés à la porte.

À quand une révolte des membres de Desjardins pour démocratiser, décentraliser et humaniser cette immense machine quasi bancaire au sein de laquelle nous n'exerçons plus de véritable influence? Une note en terminant. Desjardins s'apprêtait à faire bondir de 14 à 22% les tarifs de certains de ses comptes vedettes, selon le Journal de Montréal. Avec cette nouvelle hausse de revenus, notre grande coop jadis populaire pourra peut-être entreprendre une autre vague de coupes.

Le mot de la fin. J'ai cherché mais je n'ai trouvé aucun texte médiatique de manifestation de solidarité envers les 400 employés qu'on mettra à la porte. Alors je vous le dis: je proteste et je les appuie. J'espère que d'autres feront de même.

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