jeudi 28 mars 2024

Assurance dentaire, locataires, etc... Feu le fédéralisme...

Capture d'écran du site Web de L'Actualité

Ne vous surprenez plus des incursions fédérales de plus en plus fréquentes dans les champs de compétence des États fédérés (appelés aussi provinces). Depuis le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire de la taxe carbone le 25 mars 2021, Ottawa a le feu vert pour agir à sa guise si un enjeu devient, à ses yeux, «d'intérêt national»... Et vous savez de quelle «nation» parlent les suprêmes fédéraux... certainement pas la nôtre! 

La notion d'«intérêt national» n'existe pas dans la Constitution canadienne. Elle a été inventée comme concept constitutionnel par la Cour suprême du Canada. Et croyez-moi, le mot «national» ou l'expression «intérêt national» ne désignent jamais, mais au grand jamais, la nation québécoise. Quand un sujet devient «national» pour la plus haute cour du Canada, sa portée est pan-canadienne. La «nation», c'est le Canada, une nation à forte majorité anglophone. Au mieux, les enjeux québécois sont «provinciaux», voire «locaux».

De tout temps, le fédéral se sert de son «pouvoir de dépenser» illimité pour s'ingérer dans les priorités et programmes des États fédérés. Mais cela ne changeait rien à la répartition constitutionnelle des compétences entre Ottawa et les provinces. Le jugement de 2021 sur la taxe carbone permet au fédéral à la fois d'envahir et d'accaparer des compétences jusque là réservées aux État «provinciaux» en décrétant un enjeu «d'intérêt national». Les juges d'Ottawa ont été très clairs à cet égard: «L'effet de la reconnaissance d'une matière en tant que matière d'intérêt national est permanent et confère compétence exclusive au Parlement (fédéral) sur cette matière».

Alors si Justin Trudeau et ses alliés, agissant au nom d'une majorité anglo-canadienne de tendance nettement centralisatrice, décident que l'assurance dentaire et la création d'une Charte canadienne des locataires sont des matières «d'intérêt national», les carottes sont cuites. Le premier ministre fédéral a bien lu la décision de 2021 des suprêmes. Le Devoir rapportait le 27 mars ce qui suit: «Questionné par une journaliste sur la pertinence d'empiéter à nouveau sur les compétences des provinces, M. Trudeau a répondu que la crise du logement touchait tout le pays.1» La question est ainsi jugée «d'intérêt national»... Ce domaine appartient donc à Ottawa, dorénavant. Oust, le Québec... 

Les jugements de la Cour suprême, émis avec l'autorité de la Charte de 1982 qu'on nous a enfoncée dans la gorge après la nuit des longs couteaux, lui donnent toute latitude pour envoyer paître François Legault et la «nation québécoise» dont il affirme être le chef. Les décisions des juges suprêmes d'Ottawa sont sans appel pour le Québec, qui se trouve alors devant un mur de béton insurmontable dans le régime actuel. À bien des égards, depuis la décision de 2021, le fédéralisme n'existe plus. Comme le disait le juge dissident Russell Brown, Ottawa pratiquera maintenant un fédéralisme de supervision des provinces, désormais constitutionnellement inférieures.

La quasi-totalité des fédéralistes, les nôtres et les autres, ne comprenant pas grand chose aux principes mêmes d'un régime authentiquement fédéral, seuls les indépendantistes québécois proposent une stratégie politique permettant de contrer l'envahissement d'Ottawa, en attendant bien sûr de réaliser la souveraineté. Les provinces à majorité anglophone reconnaissent toutes au fédéral le statut de gouvernement «national» du pays. L'emploi de l'expression «intérêt national» par la Cour suprême est parfaitement compris et accepté au Canada anglais. L'idée de constitutionnaliser un concept d'intérêt national québécois n'effleure même pas l'esprit de la majorité anglo-canadienne.

La Constitution est toujours la loi fondamentale d'un État. La plus importante. Celle que toutes les autres lois doivent respecter.  Et pourtant, personne ne veut en parler. Ni l'opinion publique ni les gouvernements. L'idée de renégocier les textes constitutionnels rebute. Et pourtant, ce sont ces mêmes textes, imposés en 1982 par une coalition d'Anglo-Canadiens et collabos québécois, qui permettent aujourd'hui à Ottawa d'envahir nos champs de compétence, d'attaquer en justice nos lois lois sur la laïcité et sur la protection du français, et de dresser des obstacles judiciaires devant toutes nos tentatives d'affirmer les traits distincts de notre nation. Il n'y a qu'une seule porte de sortie: le refus d'obéir (à coups de nonobstant ou pire) aux textes constitutionnels adoptés sans notre consentement, et un cheminement - le plus rapide possible - vers l'indépendance.


-------------------------------------

1- Lien au texte du Devoir - https://www.ledevoir.com/politique/canada/809814/trudeau-veut-creer-charte-canadienne-locataires


Aucun commentaire:

Publier un commentaire