lundi 11 décembre 2017

Le guichet de Ripon, c'est aussi le nôtre...

Le siège social de la méga-caisse jadis populaire de Gatineau...

Quand un peuple se croit «né pour un p'tit pain» trop longtemps, ce qui a certainement été notre lot, il arrive ce qui nous arrive... On met parfois à la poubelle tout ce qui nous rappelle «p'tit» pour enfin voir grand, très grand... très, très très grand même... Moi, j'appelle ça le syndrome du gigantisme mais d'autres, plus savants, pourraient certainement mieux le définir...

Quelques exemples? Nous avions jadis des centaines de petites municipalités, pépinières de démocratie, dans toutes les régions du Québec. Dans mon coin, l'Outaouais, et ailleurs, on les a fusionnées puis refusionnées... jusqu'à la création de monstres sans âme où la population issue d'une foule de collectivités est dispersée sur un bien trop vaste territoire...

Je vous offre en exemple Gatineau, ma ville gonflée, d'une superficie de 343 kilomètres carrés. Son territoire abritait jadis les municipalités de Hull, Gatineau, Pointe-Gatineau, Touraine, Aylmer, Buckingham, Masson, Templeton, Templeton-Est, Templeton-Ouest, Templeton-Est (partie est), Angers, Lucerne, Deschênes, Buckingham (sud-est), et j'en passe sûrement...

Cela n'a rien du hasard que ces fusions municipales à répétition aient été amorcées dans le sillage de la révolution tranquille... En éducation, au milieu des années 1960, nos premières expériences en gigantisme avaient fait apparaître des méga-polyvalentes au secondaire. La Cité des jeunes, à Hull, comptait plus de 4000 élèves. Une monstruosité qu'on a dû éventuellement scinder en trois polyvalentes plus modestes...

Le secteur de la santé a connu une évolution similaire, dont nous subissons aujourd'hui les conséquences funestes... sur une très grande échelle. Dans le territoire qui constitue Gatineau aujourd'hui, nous avions quatre CLSC qui fonctionnaient fort bien. Un bon jour, Québec les a regroupés en une seule direction, oubliant que le «L» dans CLSC signifie «local»...

Puis, plus récemment, l'ogre Barrette a fusionné toutes les installations de santé (hôpitaux, CLSC, CHSLD, etc.) dans de grandes directions régionales sur lesquelles il exerce un contrôle centralisé, parfois personnel... En matière de gigantisme, notre ministre de la Santé mérite la palme d'or...

La même maladie a infecté l'ensemble de la société, y compris notre réseau coopératif de caisses populaires Desjardins, qui compte plus de 5 millions de membres et qui a été érigé depuis un siècle grâce aux efforts de simples citoyens, qui ont créé de petites caisses locales dans presque toutes les communautés du Québec.

Qu'a-t-on fait de ces institutions de proximité? On les a fusionnées et refusionnées. Les caisses pop de villages, ou de quartier, sont maintenant chose du passé, avalées par un voir-très-grand qui a tué non seulement le concept de membre (un sociétaire d'une caisse est un membre, pas un client...) mais l'ensemble du fonctionnement démocratique coopératif...

Comme dans nos villes, comme dans notre réseau de santé, les décisions qui étaient prises localement au sein de Desjardins sont maintenant hors de portée du simple membre... Elles émanent d'obscurs couloirs de méga-caisses, elles-mêmes devant obéir aux directives et politiques du siège social du «mouvement» Desjardins... Cela lui permet de fonctionner davantage comme une banque, en soumettant beaucoup trop d'opérations au critère de la rentabilité...

Et me voilà dans le vif du sujet... La Caisse Desjardins de la Petite-Nation (on n'ose même plus les appeler «populaires») a décidé de fermer le seul guichet automatique du village de Ripon (population d'environ 1500) sous prétexte qu'il occasionne une perte d'environ 35 000 $ par année. La Caisse oblige ainsi les résidents membres à se déplacer jusqu'à Saint-André-Avellin pour obtenir des services de leur coopérative...

Le problème ici, au-delà d'une justification douteuse (la Caisse ayant suffisamment d'excédents pour encaisser une telle perte), c'est la façon dont la décision a été prise et la façon d'agir envers les membres, ces personnes qui devraient être, après tout, les ultimes patrons de la Caisse. Les dirigeants de cette coopérative se comportent exactement comme ceux d'une banque privée, prenant des «décisions d'affaires», traitant leurs sociétaires comme de simples clients à qui l'on doit enseigner les rudiments de l'économie financière néo-libérale du 21e siècle...

La Caisse de la Petite-Nation affirme remettre tous les ans environ 650 000 $ en ristournes, dons et commandites... A-t-on seulement songé à consulter les membres sur l'opportunité d'investir une partie de ces excédents en services de proximité pour les villages et régions qui n'ont plus accès à un comptoir ou à un guichet de leur caisse pop? A-t-on cherché à impliquer les membres dans la recherche d'une solution, au lieu d'appliquer sans appel les implacables lois du profit?

Une pétition circule depuis peu pour que Ripon conserve son guichet automatique Desjardins. Les enjeux dépassent le seul territoire du village. C'est également la lutte de tous les Québécois et Québécoises contre l'excès du gigantisme, le combat universel pour le rétablissement ou la protection des démocraties locales, une action collective pour démontrer que les citoyens engagés d'une localité, d'un quartier peuvent toujours exercer une réelle influence sur le cours des choses...

Allez les Riponnais! Votre petit guichet, c'est aussi, de bien des façons, le nôtre... parce qu'il y a un peu de nous tous derrière cette belle bannière Desjardins...










2 commentaires:

  1. J'endosse entièrement cette analyse et ses conclusions. Il y a environ trente ans j'ai voté contre la fusion de St-Raymond et de la caisse St-Joseph exactement pour ces raisons. Il était évident que les décisions étaient prises par les cadres de ces institutions et que les visées étaient surtout personnelles. Les salaires ont pris des proportions scandaleuses même si ce scandale n'atteint pas les même proportions que ceux des directeurs de banques. Les investissements dans le communautaire sont infimes compte tenu des centaines de milliards qui circulent dans ces institutions. Je monte au barricades pour sauver le guichet de Ripon et pourquoi pas contribuer au retour à des dimensions plus humaines.

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  2. Monsieur Allard et Monsieur Laurin,

    Vous avez raison, on fusionne des caisses sans consultation ou si peu. Pendant ce temps-là, on se graisse en haut lieu. Mouvement Desjardins: rémunération de 3,9 millions $ pour Monique F. Leroux. Je comprends très bien Claude Béland d'avoir beaucoup de peine de constater que sous la gouverne de cette dame, anciennement de la RBC et membre du Groupe Bilderberg et de la Commission Trilatérale avec Jean Charest, André Desmarais le gendre de Jean Chrétien, Raymond Chrétien le frère de Jean et Emmanuel Macron. On a converti les caisses en grosse banque pour lequel il n'y a que le profit qui compte. Très triste !!!

    Gilles Sauvageau
    L'Assomption

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