L'image utilisée par l'AFO aujourd'hui. Poings levés...
Les francophones de l'Ontario se sont butés, sans interruption depuis le début du 20e siècle, à une francophobie ouverte de la majorité anglo-ontarienne, voire au racisme de ses franges les plus hostiles. C'était le plus souvent dans le cadre de revendications de droits que Queen's Park persistait à ne pas consentir, ou à verser au compte-goutes, mais à trois reprises il est devenu nécessaire de résister à la suppression de droits acquis qu'on voulait leur arracher:
* en 1912, pour combattre le Règlement 17, qui interdisait l'enseignement en français à compter de la deuxième année du primaire;
* en 1997, pour s'opposer au projet de transformation des services de santé qui aurait signifié l'arrêt de mort de l'hôpital Montfort, seul hôpital universitaire de langue française en Ontario:
* et ce 15 novembre 2018, pour contrer l'abolition du Commissariat aux services en français et l'abandon du projet d'Université de l'Ontario français.
L'âpre lutte pour obtenir l'abrogation du Règlement 17 (1912-1927) et le combat pour sauver Montfort (1997-2001) comptent parmi les rares enjeux ayant rallié l'ensemble de la francophonie canadienne. Québécois, Acadiens, minorités canadiennes-françaises de l'Ouest, tous avaient fait front commun avec les Franco-Ontariens. Ce sont devenues de véritables causes nationales.
Dans de telles situations, il est rarement question de se limiter aux politesses et aux négociations. Pour défendre ses biens et les droits des siens, on descend dans la rue au besoin. On érige des barricades. On viole les lois illégitimes si aucune autre avenue n'est ouverte. Il n'est plus question de céder. Durant la première Guerre mondiale, des instituteurs et institutrices enseignaient illégalement en français dans des écoles tout aussi illégales. Des mères affrontaient les policiers et inspecteurs avec des épingles à chapeau. Pour Montfort, 10 000 personnes ont participé à une manifestation historique et si le gouvernement Harris avait tenté de fermer de force l'hôpital, il aurait été obligé d'en déloger par la force des défenseurs barricadés.
La décision du gouvernement de Doug Ford d'abolir le Commissariat aux services en français et de tuer dans l'oeuf l'embryon d'université de langue française (dont un projet de loi a consacré l'existence officielle) a créé une situation qui rappelle celles du Règlement 17 et de SOS Montfort. Déjà, les cris d'indignation proviennent de partout en Ontario français, mais aussi du Québec, de l'Acadie et des francophones de l'Ouest canadien (et même du fédéral). En 24 heures, l'attaque brutale de Doug Ford contre les Franco-Ontariens est devenue une cause «nationale».
Les arguments économiques invoqués par la horde de Ford ne trompent personne. Mike Harris (un autre conservateur) avait invoqué des motifs similaires pour fermer l'hôpital Montfort il y a 20 ans. Cette fois-ci, cependant, les économies réalisées sont marginales, presque inexistantes. Il s'agit de mesures dont le principal objectif ne peut être que d'attaquer la francophonie ontarienne. Ce gouvernement avait déjà hissé son pavillon linguistique en refusant de participer, le mois dernier, au Sommet de la francophonie mondiale dont l'Ontario est membre. On aurait dû le voir venir...
La question, maintenant, est de savoir quelle forme prendra la riposte franco-ontarienne, québécoise, pan-canadienne. Le choix des mots apparaît ici important pour tenter de voir la suite des choses. Pour le moment, on n'évoque pas en priorité petites protestations, négociations, interventions médiatiques. Non, on parle déjà de «résistance». C'est un mot de combattant assiégé. Dans un courriel expédié aux membres et amis, l'AFO (Assemblée de la francophonie de l'Ontario) affirme qu'elle «organise une résistance». La FARFO (aînés et retraités franco-ontariens) renchérit: «La résistance s'organisera dans les prochains jours» et fait état du «besoin de se mobiliser immédiatement et de prendre tous les moyens de défendre nos droits et nos institutions chèrement acquis». Croyez-moi, ce n'est pas le langage habituel de ces organisations...
Le gouvernement Legault a déjà annoncé son intention d'intervenir auprès de Doug Ford et la ministre Mélanie Joly est en beau fusil. Le maillon faible reste et restera toujours les médias. Les dossiers linguistiques franco-ontariens, même les plus importants, n'intéressent guère que les médias francophones qui couvrent, de près ou de loin, l'Ontario. Cette fois-ci sera-t-elle l'exception? Les grands quotidiens québécois ont publié la nouvelle à la une et même fait quelques suivis. C'est un début prometteur.
Dans la presse anglo-canadienne, pour les premières 24 heures ce fut le silence habituel, la question des droits des Franco-Ontariens ne l'intéressant tout simplement pas. Puis le Globe and Mail a publié un texte étoffé sur la controverse créée par la décision du gouvernement Ford. Après cette trouée, la Gazette de Montréal a dénoncé le gouvernement ontarien en éditorial.
Si le Québec avait pris des mesures semblables contre sa minorité anglophone, la nouvelle aurait été placardée à la une de tous les médias de langue anglaise au Canada, et aurait sans doute eu des échos ailleurs dans le monde y compris aux Nations Unies... Mais s'agissant des droits des Franco-Ontariens, la presse de langue anglaise se fait le plus souvent discrète. En sera-t-il autrement cette fois? C'est à souhaiter.
Dans les jours qui viennent, on saura jusqu'à quel point cette «résistance» qui s'organise est sérieuse. Si elle l'est, Doug Ford s'apercevra peut-être qu'il est tombé dans un nid de guêpes. Mais c'est un gros «si»... Espérons que la mobilisation qui s'amorce ne s'essouffle pas, parce que le combat risque d'être long...
À TOUS LES FRANCO-ONTARIENS,
RépondreEffacerJe vous appuie à 100%.
Gilles Sauvageau
L'Assomption
Québec