mercredi 28 décembre 2022

Au royaume des «deux tu l'auras»...



Certains jours, je me demande pourquoi le Québec ne cède pas l'Outaouais tout de suite à l'Ontario... Cela ne ferait que donner un caractère officiel aux agissements de l'État québécois, ou à ses absences d'agissements, qui poussent depuis plus d'un siècle la grande région de Gatineau vers une fusion plus ou moins virtuelle avec ses voisins de la rive ontarienne...

Quand j'étais enfant, j'entendais des adultes marmonner que Hull (maintenant Gatineau) était le «trou-de-cul» du Québec. L'image est vulgaire, mais pas inopportune. L'Outaouais urbain demeure depuis la Confédération un terminus, une sortie, arrimée aux ponts qui la relient à la capitale fédérale. Les routes venues d'ailleurs au Québec convergent, comme le transport en commun, vers les cinq ponts interprovinciaux et la silhouette des tours du centre-ville d'Ottawa.

Québec est loin, loin, loin. Trop loin pour regarder souvent dans notre direction. Amenez-en des plans Nord. Mais des plans Ouest? Voir l'Outaouais comme un carrefour clé entre l'Abitibi-Témiscamingue et la grande région de la métropole, avec un lien routier réclamé depuis aux moins 100 ans? Ben voyons...  Voir Gatineau comme la porte d'entrée d'un Québec résolument français pour les visiteurs arrivant d'ailleurs? Ben voyons... Doter l'Outaouais des infrastructures et services de santé dont elle aurait dû bénéficier depuis des décennies? Ben voyons...

Nous sommes ici au royaume des «deux tu l'auras». Des promesses interminables - et non réalisées - qu'un électorat bien trop soumis gobe d'élection en élection. Le réseau de santé s'écroule pendant que des infirmières et autres professionnels désertent le navire en perdition pour des salaires bien plus costauds à Ottawa. Alors on fait quoi après des décennies de négligence? Le gouvernement Legault fait comme les libéraux auraient fait avant lui: il promet un méga-hôpital censé régler un tas de problèmes. Mets ton petit 10$, ton 20$, une fois de plus. Le gros lot est au bout du tirage... On se croirait à Loto-Québec...

Après avoir détruit les CLSC et leur mission avec, Québec a placé l'Outaouais dans le giron de l'Université McGill... Comme si on n'avait pas assez de l'anglicisation venue d'Ottawa... En 2014, quand le gouvernement Couillard a annoncé une faculté satellite de médecine à l'hôpital de Gatineau, on a appris que les cours mcgilliens en salle se donneraient en anglais... C'était ça ou rien, disait la députée de Hull Maryse Gaudreault.

On aurait pu confier le mandat de créer une faculté de médecine à l'Université du Québec en Outaouais, qui le souhaitait d'ailleurs, mais elle ne faisait pas le poids contre les partisans de l'université anglo-montréalaise. Pourquoi vous plaignez-vous, renchérissait Philippe Couillard. Hé, c'est la prestigieuse McGill! L'élection de la CAQ a sauvé la mise. Reste qu'on n'aurait pas fait ça à Trois-Rivières ou à Rimouski. Mais à Gatineau, ouate de phoque. La ville s'anglicise à vue d'oeil dans l'indifférence générale. Les constructeurs gatinois voient l'invasion anglo-ontarienne avec des yeux en signe de piastres et les élus municipaux, le maire Bélisle en tête, ferment les yeux, les bouches et les oreilles...

Maintenant, sous la CAQ, un GROS centre hospitalier régional s'en vient, apparemment. On ne trouve déjà pas assez de personnel pour compléter les effectifs des établissements existants. Où trouvera-t-on les autres? Et que fait-on des services de proximité? Bof, on centralise. Plus gros, c'est mieux dit-on même si c'est plus loin... Et quand verra-t-on un premier patient à ce futur hôpital? On a annoncé le projet en 2018 et quatre ans plus tard on vient de choisir un terrain... qui ne fait pas l'unanimité. Si le passé est garant de l'avenir, cet hôpital figurera encore au cahier des promesses de la CAQ en 2026 et en 2030!

Un peu comme nos autoroutes, quoi! La 50 a été annoncée en 1970 par le dernier gouvernement de l'Union nationale et elle n'est toujours pas terminée. Loin de là. Cinquante-deux ans! Ailleurs au Québec, un tel projet aurait été réalisé en moins d'une décennie. Mais bof, avec un peu de pain et des jeux, les habitants resteront tranquilles même s'ils continuent à déraper et caramboler sur une demi-autroroute funeste qu'on ne réussit même pas à baptiser depuis la proposition du nom «Autoroute Maurice-Richard» en 2000... Les noms de Guy Lafleur et Louis-Joseph Papineau sont aussi en lice, mais franchement, ces noms prestigieux ne méritent pas d'être associés à l'enchevêtrement de tronçons de deux, trois et quatre voies qui relient Gatineau à Mirabel...

Enfin, il y a cette région du Pontiac, toujours sous la férule du diocèse catholique anglo-ontarien de Pembroke historiquement francophobe (notez le b), et où la route 148, plutôt que se prolonger normalement vers l'Abitibi-Témiscamingue, devient un entonnoir vers l'Ontario. D'ailleurs, dans certains coins du Pontiac, on pourrait carrément se croire en territoire ontarien... tellement c'est anglicisé.

Heureusement, l'Outaouais a toujours pu compter sur un petit mais énergique noyau de patriotes québécois pour rappeler que nous sommes toujours en pays fleurdelisé. Mais ce noyau vieillit et la relève se fait rare. À l'image de notre saint patron, Jean-Baptiste, elle crie dans le désert. À quelques jours d'une nouvelle année, peut-on espérer mieux? Peut-on espérer que Québec regarde ici et voit un jour autre chose que le dortoir d'Ottawa? Vous trouvez peut-être que j'exagère, et vous avez raison. Mais venez passer quelques années à Gatineau et vous aurez souvent la tentation de tremper votre plume dans le fiel.

Bonne année 2023...


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