jeudi 15 juin 2023

À mes petits-enfants du 23e siècle...

Mon chêne rouge en 2023

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Il y a 200 ans, en 1823, mon ancêtre Michel Allard arpentait sans doute les rues de Pointe-Claire avec sa marmaille, pendant que mes arrière-arrière-arrière grands-pères Joseph Jubinville et Joseph Longpré s'affairaient avec leur jeune famille, le premier à Montréal, le second à L'Assomption.

Je connais leur nom pour avoir consulté l'arbre généalogique préparé par l'une de mes nièces, Renée Allard-O'Neill. Mais je ne sais rien d'eux. Leur maison existe-t-elle toujours? Ont-ils laissé quelque artefact ou oeuvre ayant survécu jusqu'au 21e siècle? Ont-ils soutenu ou participé, comme je l'espère, à la rébellion des patriotes de 1837? Pourquoi leurs enfants ont-ils fini par choisir de s'exiler en Outaouais et dans la région d'Ottawa?

À vrai dire, les chances que j'en apprenne davantage à leur sujet sont fort minces. Il est regrettable que chaque génération ne laisse pas pour les suivantes un texte, un objet, bref, un souvenir témoignant de leur présence qui aurait pu être transmis de Michel à Jean-Baptiste à Jean-Baptiste à Joseph (mon grand-papa) à Aurèle (mon père) et enfin à moi. J'aurais volontiers poursuivi une telle tradition pour que les petits-enfants de mes petits-enfants puissent savoir en 2223 qui j'étais et qui nous étions.

Évidemment, au début du 19e siècle, on ne pouvait prendre de photos ou entreposer des messages sur des réseaux informatiques à cette époque inimaginables... Avec un peu de chance, des lettres auraient pu être conservées, une habitation ou des meubles auraient pu traverser les siècles. Quelques arbres auraient pu survivre. Mais sans indice, les retrouver serait un coup de chance...

Aujourd'hui, nous laissons des traces partout... Nous avons, tous et toutes, les moyens de perpétuer le souvenir de notre passage sur terre, même après le décès des enfants, proches et amis qui emporteront avec eux la mémoire d'avoir vu de leurs yeux nos visages et entendu en personne nos paroles. Si l'humanité existe toujours en 2223, je voudrais bien que Charles Gagnon, France Poulin, Pierre Lefebvre, ou Alexandra Flynn (j'invente des noms, là...) puissent connaître un tout petit peu leurs ancêtres Pierre Allard et Ginette Lemery.

Mes trois filles pourraient perpétuer le souvenir de mon visage et de ma voix pour un autre demi-siècle, ou un peu plus. Mes petits-enfants se souviendront sans doute de leur vieux grand-papa jusqu'au premier quart du 22e siècle. Par la suite, leur progéniture pourrait apercevoir ma signature dans des livres sauvés des tablettes d'une bibliothèque de leurs parents. Trouver de vieilles photos identifiées ou des écrits éparpillés sur l'Internet (ou ce qui lui succédera). Peut-être l'un ou l'une voudra-t-il savoir qui était réellement cet ancêtre... comme moi j'aurais bien voulu en apprendre davantage sur les Michel Allard, Joseph Jubinville ou Joseph Longpré de 1823...

Je vais donc m'atteler à la tâche pendant que mon cerveau et mon corps demeurent fonctionnels, et tâcher de trouver de quelle façon je pourrais me révéler aux descendants du 23e siècle. Pourquoi je pense aujourd'hui à tout cela? Je regardais ce matin le chêne rouge que j'ai fait planter devant ma maison à Gatineau. Il doit avoir tout au plus une dizaine d'années et atteint déjà plus de sept mètres de hauteur. Avec ses feuilles dentelées qui rougeoient à l'automne, le chêne rouge d'Amérique est depuis longtemps mon arbre préféré. Avec un peu de chance, le mien sera majestueux et bien en vie dans 200 ans, peut-être même 300... C'est mon premier legs aux humains du 23e siècle. Pas le dernier, cependant... À suivre...


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