Le titre du quotidien Le Devoir était certes audacieux : Québec veut son siège à l'UNESCO (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture), surtout quand on lit à la fin du premier paragraphe qu'il ne s'agit, au fond, que d'un souhait personnel de Mathieu Lacombe, ministre québécois de la Culture...
Clairement, le gouvernement Legault se satisfait du seul droit de nommer son propre représentant au sein de la délégation du Canada à l'UNESCO, et n'a pas l'intention de se chamailler avec Ottawa à ce sujet. Alors la déclaration du ministre Lacombe, à moins qu'elle ne dissimule quelque tractation dont on ne sait rien, ne vaut pas vraiment la manchette qu'on lui accorde à la une du Devoir.
Tout de même, la question mérite d'être posée et pourrait ouvrir au Québec des avenues vers une plus grande présence sur la scène mondiale, même dans le cadre de la fédération canadienne. Le Parti québécois et Québec Solidaire y sont allés un peu vite en affirmant, sans trop de nuances, que seule l'accession à l'indépendance réglerait la question de l'accession du Québec à l'UNESCO.
Bien sûr, un Québec indépendant ferait bien ce qu'il veut, y compris à toutes les instances de l'ONU, mais même dans les scénarios les plus optimistes, les Québécois n'auront pas leur pays avant 2030 à moins d'un revirement spectaculaire de l'opinion publique. Et même si le PQ prend le pouvoir en 2026, ce qui reste théoriquement possible, il continuera de traîner comme un boulet la promesse d'un troisième référendum dont à peu près personne ne veut. Pas de bon augure.
J'a déjà, à plusieurs reprises, réclamé qu'on largue le cul-de-sac référendaire et qu'on le remplace par un engagement à gouverner en fonction de l'atteinte de la souveraineté. Dans la légitimité, dans le respect des lois, sans pour le moment briser le lien fédéral. Le nombre de portes qu'une telle stratégie déverrouille est incalculable. Prenons justement le cas de l'UNESCO comme exemple.
L'article du Devoir mentionne que le droit d'adhésion comme État membre à l'UNESCO est réservé aux États indépendants, ainsi qu'à la Palestine. Cela est exact en 2023 mais il existe des précédents. L'Ukraine et le Bélarus sont membres de l'UNESCO depuis 1954, mais n'étaient pas indépendants avant la dissolution de l'URSS en 1991. De 1954 à 1991, ils étaient des États fédérés au sein d'une très grande fédération, l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Comme le Québec dans la fédération canadienne.
S'inspirant de ces précédents, le PQ, une fois au pouvoir, serait pleinement justifié de demander l'admission du Québec à l'UNESCO comme État membre. J'imagine facilement la fin de non-recevoir d'Ottawa et le débat acrimonieux que cela susciterait à travers le Canada anglais, ainsi que les réactions que les médias ne manqueraient pas de susciter à l'UNESCO même. L'issue ne fait pas de doute mais le simple fait d'en faire un enjeu national aurait un effet appréciable de sensibilisation sur l'opinion publique.
Mais il resterait au Québec une autre option, celle de postuler le statut de «membre associé» de l'UNESCO. En effet, l'Acte constitutif de l'UNESCO permet «l'admission en qualité de Membres associés de l'Organisation, de territoires ou groupes de territoires qui n'assument pas eux-mêmes la responsabilité de la conduite de leurs relations extérieures». On peut mentionner des territoires comme les Îles Vierges britanniques (Grande-Bretagne), la Nouvelle-Calédonie (France) ou encore Macao (Chine). Ils ont les mêmes droits que les États membres, sauf celui de voter. C'est encore mieux que le droit de nommer un représentant au sein de la délégation d'un État membre...
J'ai de la difficulté à voir quel argument de fond on pourrait opposer pour s'objecter à l'octroi du statut de Membre associé de l'UNESCO au Québec, qui forme déjà une nation reconnue par la fédération canadienne, en plus d'être le seul État de langue française en Amérique du Nord. De plus, en vertu de sa doctrine Gérin-Lajoie et des pratiques en place depuis plus d'un demi-siècle, le Québec assume déjà seul une partie de ses relations extérieures, notamment dans ses domaines de compétence, dont l'éducation et la culture. Un gouvernement péquiste sortirait-il perdant d'une tentative d'adhésion à l'UNESCO, comme membre ou membre associé? Non. Il aurait de bien meilleures chances de gagner ce type de combat que de sortir victorieux d'un ultime référendum...
Heureusement que le gouvernement de la CAQ souffre d'un manque de couilles quand il est confronté à Ottawa, parce qu'une telle stratégie - adoptée par un parti fédéraliste - aurait des chances de réussir... Mais on n'a rien à craindre de M. Legault, qui finit toujours par s'agenouiller devant les pouvoirs fédéraux...
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À la une du Devoir (édition imprimée) du 5 juin 2023;
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