-------------------------------------------------------------------------
Je sais que c'est plate à lire, mais tous ceux et celles qui s'intéressent sérieusement à la question linguistique au Québec et au Canada devraient (après avoir avalé un café fort) se taper au moins une fois dans leur vie le rapport annuel du Commissaire aux langues officielles qui, à l'image d'Alice, évolue dans son «pays des merveilles» où il existe une quasi parfaite symétrie entre l'anglais et le français.
Tout le monde sait que la seule langue menacée au Canada (et même au Québec), c'est le français. Mais ne cherchez pas ça dans le rapport du Commissaire Raymond Théberge. Vous ne trouverez pas. On y fera état de près de 1800 plaintes en 2022-2023 mais n'essayez pas de savoir si elles proviennent de francophones (ben oui c'est évident) ou d'anglophones. Ce n'est écrit nulle part, et les médias, comme d'habitude, ne talonnent pas le Commissaire à cet égard.
Ce serait facile comme question! Hé, M. le Commissaire, quelle proportion des 1788 plaintes provient de francophones? 80%? 90%? 95%? Quelqu'un doit le savoir et ce n'est certainement pas un secret d'État. Ce type de renseignement est essentiel pour la compréhension de la dynamique linguistique canadienne. Mais ce n'est pas dans le rapport annuel et aucun journaliste ne semble avoir demandé...
Vous trouverez ci-dessous un certain nombre de citations tirées des trois principaux chapitres du rapport annuel 2022-2023 du Commissaire aux langues officielles. Leur rapport avec la réalité est au mieux, ténu...
Langues officielles et public voyageur
Le Commissaire critique «le fait que trop de voyageurs et de voyageuses ont encore du mal à pouvoir utiliser la langue officielle de leur choix lorsqu’ils traitent, par exemple, avec Air Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, les grands aéroports du pays ou les commerces qui se trouvent sur le terrain des autorités aéroportuaires».
Avez-vous déjà entendu parler d'incidents à un aéroport, à bord 'un avion d'Air Canada, où des anglophones se sont plaints de la présence d'unilingues français incapables de communiquer ou servir en anglais? Non, moi non plus. Pourquoi ne le dites-vous pas M. le Commissaire?
----------------------------------------------------------------
«De plus en plus de plaintes concernent ainsi la prise en compte inadéquate du français ou de l’anglais dans l’univers numérique.»
Encore une fois nous voici au pays des licornes... Connaissez-vous un seul endroit, dans l'univers numérique du gouvernement fédéral, où l'on a eu à dénoncer «une prise en compte inadéquate» de la langue anglaise? Encore cette symétrie fictive de l'anglais et du français dans la Loi sur les langues officielles.
---------------------------------------------------------------
«Les institutions fédérales devraient prendre des mesures vigoureuses pour assurer l’offre de services en français et en anglais de haute qualité au public voyageur.»
Non mais y a-t-il quelqu'un au Canada qui croit vraiment que les institutions fédérales doivent prendre des «mesures vigoureuses» pour assurer l'offre de services en anglais? Poser la question c'est y répondre, M. le Commissaire...
----------------------------------------------------------------
Relancer le bilinguisme dans la fonction publique fédérale
«Il est important d’aller mesurer auprès des employés sur une base régulière s’ils se sentent libres de rédiger dans la langue officielle de leur choix.»
À force de poser de telles questions, on finira par comprendre que le langage employé dans le rapport annuel du Commissaire aux langues officielles n'a rien à voir avec la réalité. Je vous mets au défi, M. le Commissaire, de trouver des anglophones qui se sont plaints de ne pas se sentir libres de rédiger en anglais...
----------------------------------------------------------------
Il faudrait «mesurer la capacité réelle des fonctionnaires fédéraux à travailler dans la langue officielle de leur choix dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail».
À lire cet énigmatique passage du rapport de M. Théberge, on pourrait croire que dans des régions désignées «bilingues», des fonctionnaires anglophones n'ont pas la «capacité réelle» de travailler en anglais... Je n'ai jamais entendu parler de tels spécimens... Existent-ils vraiment à l'extérieur des pages du rapport annuel du Commissaire?
-----------------------------------------------------------------
«En effet, il est crucial, au moment où le gouvernement du Canada travaille à la modernisation de la Loi, de placer la promotion du français et de l’anglais dans la fonction publique fédérale au cœur des préoccupations.»
Si j'ai bien compris, il serait «crucial» de placer la promotion de l'anglais «au coeur des préoccupations» dans la fonction publique fédérale. Je ne savais pas que ça allait si mal pour les anglos dans les bureaux fédéraux... Sans doute se butent-ils à trop d'unilingues français partout, qui les obligent à travailler dans la langue de Molière... Un peu de sérieux, M. Théberge!
----------------------------------------------------------------
Le Plan d'action pour les langues officielles 2023-2028
«Le présent chapitre porte sur les actions que j’ai prises cette année pour que le prochain plan d’action 2023-2028 vise à favoriser davantage la progression du français et de l’anglais et à mieux répondre aux attentes et besoins des communautés de langue officielle.»
Encore une fois, le Commissaire aux langues officielles s'engage à favoriser «la progression de l'anglais» (ne progresse-t-il pas suffisamment sans son aide?) et à soutenir toutes «les communautés (minoritaires) de langue officielle»... Un nouvel engagement de contribuer à l'essor de l'anglais au Québec alors que de l'aveu même du gouvernement Trudeau, c'est le français qui se trouve menacé, même au Québec. Allez comprendre...
----------------------------------------------------------------
«De pair avec une Loi sur les langues officielles modernisée, les prochains plans quinquennaux pour les langues officielles contribueront à assurer un avenir rayonnant et dynamique au français et à l’anglais au pays.»
Parfois je me demande si on verse du LSD dans le café des rédacteurs du rapport du Commissaire aux langues officielles. Faudra m'expliquer comment quelques milliards du fédéral et une litanie de voeux pieux vont assurer «un avenir dynamique et rayonnant» au français, une langue qui se trouve menacée dans ses châteaux-forts, et agonisante ailleurs, d'un océan à l'autre. Quant à l'avenir «rayonnant et dynamique» de l'anglais, je vous assure, M. le Commissaire, qu'il n'aura pas besoin de votre coup de pouce pour se réaliser.
---------------------------------------------------------------
À l'an prochain, pour une nouvelle édition d'Alice au pays des licornes...
Voici un lien au rapport 2022-2023 - https://www.clo-ocol.gc.ca/sites/default/files/rapport-annuel-2022-2023.pdf
Théberge est-il atteint du Syndrome de Stockholm ?
RépondreEffacerRaymond Théberge,
Université de Moncton
Théberge est recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton. Il est originaire du Manitoba et il a travaillé pour le gouvernement de l’Ontario en tant que sous-ministre adjoint. Il est titulaire d’un doctorat en linguistique de l’Université McGill (1984), d’une maîtrise ès arts en linguistique appliquée de l’Université d’Ottawa (1976) et d’un baccalauréat en histoire du Collège universitaire de Saint-Boniface (1973).
Tout au long de sa carrière, il a occupé de nombreux postes de direction dans le monde universitaire et l’administration gouvernementale. Outre ses activités de recherche et son expérience considérable en gestion, il a été membre et vice-président du conseil d’administration de l’Association canadienne d’éducation.
Il a fait partie du Conseil du Bureau international d’éducation de l’UNESCO et il a participé au groupe de travail chargé de la préparation de la Conférence internationale de l’éducation.
Source : https://onbcanada.ca/fr/%C3%A9quipe/raymond-theberge-2/