dimanche 23 juin 2024

Greenstone, le 24 juin, et l'indépendance...

Au-delà des célébrations de la Fête nationale, les Québécois auraient avantage à s'intéresser à ce qui se passe ce 24 juin à la réunion du conseil municipal de Greenstone, dans le nord de l'Ontario, où les élus à majorité anglophone décideront du sort du drapeau franco-ontarien, récemment exclu des mats municipaux devant l'hôtel de ville.

Alors que le Québec amorce peut-être une troisième et ultime campagne référendaire sur l'indépendance, la situation des Franco-Ontariens de Greenstone évoque bien le sort éventuel des Québécois francophones s'ils décident de conserver leur statut minoritaire dans la fédération canadienne, ou pire, si un jour la langue française finit par perdre sa position majoritaire au Québec même.

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Quelques faits pour situer tout le monde:

* Greenstone est à mi-chemin entre la municipalité francophone de Hearst et la ville de Thunder Bay, sur le lac Supérieur.

* Population, un peu plus de 4200, avec deux principaux villages, Longlac (31% de langue maternelle française) et Geraldton (18% langue maternelle française).

* Les Franco-Ontariens ont déjà été majoritaires jadis dans cette région, et l'étaient toujours à Longlac il y a 20 ans.

* Le drapeau franco-ontarien flottait sur l'un des trois mats, devant l'hôtel de ville de Greenstone, (sous le drapeau municipal, sur le même mat) depuis une dizaine d'années.

* Le 12 février 2024, le conseil municipal a décidé de retirer le drapeau vert et blanc des Franco-Ontariens du mat municipal pour lui accorder tout au plus une présence lors d'occasions spéciales, 4 ou 5 fois par année. Voir mon texte de blogue du 19 février à ce lien:  https://lettresdufront1.blogspot.com/2024/02/greenstone-remet-les-franco-ontariens.html

* Depuis ce temps des citoyens et quelques organisations francophones demandent de hisser de nouveau le drapeau franco-ontarien en permanence, et ont entrepris récemment une campagne de lettres (en anglais).

* Le conseil de Greenstone a convenu d'un vote de reconsidération qui a lieu, ironiquement, le jour de la Saint-Jean-Baptiste (24 juin), et demandé à l'administration municipale un rapport ainsi que des recommandations.

* Ce rapport propose de ne pas modifier la décision du 12 février. S'il est entériné, les militants franco-ontariens rentreront bredouilles. ayant de nouveau appris qu'une minorité n'a aucun pouvoir décisionnel.

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Peu importe ce qui se décide autour de la table du conseil de Greenstone ce 24 juin, ce qui s'est passé depuis février 2024 constitue un cours d'éducation politique pour l'ensemble des Québécois francophones, qui confient depuis 1867 une portion importante de leur présent et de leur avenir à la majorité anglo-canadienne détenant les rênes du Parlement fédéral.

Ici (et ailleurs), les anglos, forts de leur majorité, ont TOUS les droits décisionnels. Les francos, minoritaires, sont condamnés à subir, à protester, à quêter, à supplier, à colérer. Sans jamais pouvoir décider. En permanence! René Lévesque a sans doute ressenti ça assez vivement au lendemain de la nuit des longs couteaux en 1981...

Pour que leur drapeau flotte devant l'hôtel de ville, les Franco-Ontariens doivent demander poliment la permission. On leur avait accordé cette faveur pendant dix ans. Maintenant la récréation est finie. Le conseil municipal anglo a décidé de retirer le drapeau vert et blanc. Une décision banale, sans importance pour des gens qui voient les francophones minoritaires comme un groupe parmi tant d'autres. Une composante du multiculturalisme Canadian.

Face à cette décision qu'on a prise presque à leur insu, des Franco-Ontariens du Nord et leurs organisations ont protesté. C'est tout ce qu'is peuvent faire, n'ayant aucun droit de décider. L'affaire a fait un peu de bruit dans les médias de langue française, même au Québec, mais n'a suscité aucun intérêt au Canada anglais. L'impuissance des francophones et les petits mépris qu'on leur fait subir n’intéressent pas les anglos. La plupart manifestent de l'indifférence. Plusieurs s'en réjouissent.

La campagne de lettres de protestation (voir lien en bas de page), appuyée par le président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, Fabien Hébert, ce même président qui avait volé à la rescousse du député Francis Drouin lors de l'affaire des «pleins de marde», ne semble pas avoir donné les résultats escomptés. Le site Web de Greenstone fait état d'une trentaine de lettres manuscrites reçues (toutes en anglais, toutes similaires) mais ne dit rien des courriels, sans doute plus nombreux.

Mais ces lettres très respectueuses, on voit très vite qu'elles proviennent d'un groupe sans pouvoir. Les politiciens anglos comprennent les rapports de force et ce n'est pas en faisant valoir le statut officiel de la langue française dans «notre beau pays» qu'on arrivera à infléchir la volonté de gens qui n'entendent rien à l'histoire des Franco-Ontariens et de la francophonie canadienne. 

Lire le rapport de l'administration, c'est plonger dans un univers où la réalité nationale québécoise et canadienne-française reste tout à fait absente. Quand le mot national est employé, on ne parle que du Canada (le drapeau «national») ou des Nations autochtones vivant sur le territoire de Greenstone. Les Franco-Ontariens constituent une collectivité parmi d'autres sans caractère national. Et le pire, c'est que les lettres des francophones ne l'affirment pas non plus.

Au fond, pour l'administration municipale, l'affaire du drapeau franco-ontarien devient une question d'argent. Dans un contexte où la municipalité est confrontée à des déficits budgétaires, veut-on vraiment dépenser des sous pour hisser le drapeau vert et blanc des Franco-Ontariens devant l'hôtel de ville? Et la réponse proposée est «NON»! Plus méprisant que ça...

Si la recommandation est adoptée, les Franco-Ontariens n'ont qu'à encaisser. Leur rapport en est un de sujétion à une majorité qui ne les comprend pas, qui ne les apprécie pas et qui, devant des protestations, peut devenir hostile. C'est ça la démocratie. 50% plus un égale 100%. 50% moins un égale zéro. Et imaginez: il ne s'agit ici que de la présence d'un drapeau à un mat municipal. C'est pire quand on a affaire à des enjeux plus corsés et à des budgets substantiels.

Les Québécois ont avantage à tirer les enseignements qui s'imposent. À Ottawa, 75% d'anglos égale 100% du pouvoir décisionnel. 25% de Québécois égale zéro pouvoir décisionnel.

Les Franco-Ontariens de Greenstone méritent mieux que le mépris, ou l'empathie, d'un conseil municipal anglo-majoritaire. Mais il n'y a rien qu'ils puissent faire pour obtenir un droit de gouvernance accru.

Les Québécois francophones conservent pour le moment une majorité numérique suffisante pour leur permettre de prendre la décision de ne plus devenir des Franco-Ontariens de Greenstone à chaque fois qu'ils vont quémander à Ottawa ou à la Cour suprême.

En ce 24 juin 2024, que notre solidarité envers les Franco-Ontariens de Greenstone se transforme en volonté de faire du Québec un pays où le droit de décider nous appartiendra. Pour de bon!

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Lien à la campagne de lettres des organismes franco-ontariens - https://monassemblee.ca/au-coeur-de-la-communaute/soutenons-ensemble-notre-drapeau-franco-ontarien-a-greenstone-2


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