samedi 17 mai 2025

En 2050, les francophones seront minoritaires à Gatineau!

Une nouvelle identité dévoilée en juillet 2024 par la ville de Gatineau... Éloquent...

D'ici l'an 2050, au train où vont les choses, les francophones seront minoritaires à Gatineau, quatrième ville du Québec. À Montréal aussi, vous dites? Sans doute. À Laval aussi? Sans doute. Mais je vis à Gatineau. Je vois donc de plus près ce qui se passe ici, au royaume de la peur et du vivre à genoux. Et ce qui se passe, du moins sur le plan linguistique, n'est rien de moins que dramatique!

Les données du recensement fédéral de 2021 montraient déjà une anglicisation accélérée de la porte d'entrée du Québec en Outaouais. Mais les résultats de l'étude Situation des langues parlées au Québec de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), publiés en mai 2025,  fondés sur une enquête réalisée en 2024, annoncent la catastrophe pour qui espère assurer la pérennité du caractère français de Gatineau.

Remarquez, on n'a pas vraiment besoin d'études et de recensements pour flairer le vent. Il suffit de tendre l'oreille vers la rue, le centre d'achats, le supermarché, le resto... J'étais au RONA la semaine dernière, dans l'est de la ville, et j'ai croisé dans le stationnement un groupe d'élèves de l'école secondaire du Versant (adjacente) marchant vers un casse-croûte à l'heure du lunch. Ils jasaient... en anglais. Et le personnel de RONA chargé de livrer chez moi le barbecue que nous venions d'acheter ne parlait pas français... Ce ne sont pas des cas isolés...

Mais revenons au rapport récent de l'ISQ, dont j'ai appris l'existence par le bulletin télé régional de Radio-Canada (Le Droit, à ma connaissance, n'a rien écrit là-dessus). L'étude de l'ISQ nous informe qu'en 2024, 62,9% des Gatinois parlent «le plus souvent» le français à la maison. En soi, cela ne signifie pas grand chose. Jusqu'à ce qu'on sache qu'il y a moins de 20 ans, au recensement de 2006, la proportion de personnes indiquant le français comme langue d'usage à la maison était de 80,7%...

Dans le vieux Hull, au coeur du centre-ville de Gatineau, francophone à 90% il y a un demi-siècle, la proportion d'anglophones et allophones frise désormais le 40%. Au rythme actuel, il suffira d'une décennie additionnelle de nouvelles tours d'habitation et de démolition de vieilles maisons allumettes pour minoriser la population de langue française et éteindre ce qui restait de notre présence avant l'invasion fédérale des années 1970.

L'arrivée massive d'Ontariens anglophones qui traversent la rivière des Outaouais pour des motifs économiques, l'augmentation constante d'immigrants portés à s'angliciser, se voyant davantage Canadiens que Québécois, et la présence d'un maxi-employeur, l'administration fédérale, où l'anglais est généralement la langue de travail, érodent sans répit la langue et la culture françaises à Gatineau. Et n'allez surtout pas trop en parler sur la place publique: au-delà des l'occasionnels sondages ou déclarations vides sur le caractère primordial du français, le sujet est véritablement tabou.

Le conseil municipal de Gatineau n'a que faire de la langue et la culture françaises. On laisse le soin de récriminer aux méchants séparatistes, que les masses dociles varlopent à chaque élection. Ou à l'ex-président d'Impératif français, Jean-Paul Perreault, qui a fréquemment mauvaise presse, même dans les médias de langue française. Les anglos arrivent à pleine porte comme s'ils étaient dans une banlieue d'Ottawa et les bons Gatinois majoritairement bilingues les accueillent dans leur langue. Pas question de leur faire savoir qu'au Québec, c'est français...

L'étude de l'ISQ peint un tableau sinistre de la francophonie à Gatineau: seulement 48% des personnes de 15 ans et plus travaillent à peu près uniquement en français (50% en anglais ou en bilingue); dans une ville qui abrite moins de 20% d'anglophones, 38% des gens naviguent sur Internet en anglais seulement; 63% des Gatinois regardent en anglais les films ou les séries sur les plateformes de diffusion en continu; la moitié de la population écoute des chansons en anglais seulement; etc. etc. (voir lien en bas de page)

Ici, face aux cinq ponts qui relient Gatineau à l'Ontario, les défenseurs d'un Québec français se sentent bien seuls. Je vous laisse sur un poème d'Omer Latour (lien 2 ci-dessous), auteur franco-ontarien qui devait joindre les rangs du FLQ en 1963 avant de revenir en Ontario où il devint enseignant. Ce poème évoque la situation désespérante des francophones de Cornwall, sa ville natale. On pourra adapter ce texte vers 2050 pour sonner le glas du français à Gatineau :

«Je n'ai rien inventé.

Ce n'était pas nécessaire.

Dans les relations franco-anglaises de cette ville, la réalité dépasse la fiction.

Dieu merci le combat est presque fini.

L'assimilation totale apporte enfin le repos

et la paix à tous ces gens obscurs qui ont

lutté dans un combat par trop inégal.

Vous me demandez pourquoi ils sont morts?

Je vous demande comment ils ont fait

pour résister si longtemps.»

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1 - Lien à l'étude Situation des langues parlées au Québec en 2024 - https://statistique.quebec.ca/fr/document/situation-langues-parlees-quebec-2024

2 - Omer Latour, Une bande de caves, Éditions de l'Université d'Ottawa, 1981

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