Au-delà des cumulonimbus constitutionnels, politiques, économiques et culturels qu'il a largués sur l'horizon québécois, le Discours du Trône Mark-Carney-Charles-III constitue par ses erreurs et faussetés parfois mensongères une claque en pleine face pour les francophones du Québec, et même ceux du Canada tout entier.
Je n'ai pas pris le temps de mettre tout ça dans l'ordre, vu que je dois écrire ce texte à chaud. Mais allons-y tout de même.
Commençons par la fin.
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--------------------------------------------------------Ci-dessus, vous voyez un extrait de la traduction officielle en français des paroles de conclusion du Discours du Trône prononcées par Charles Windsor. Lisez bien: on précise qu'il s'agit de «l'hymne national», pas d'une traduction française (louche par ailleurs) de la version anglaise. C'est donc pour Mark Carney le seul hymne national du Canada. Le «L'» le dit bien.
Dans l'Ô Canada anglais, on chante: «With glowing hearts we see thee rise, the True North strong and free!». En français, nous entendons depuis toujours «Car ton bras sait porter l'épée, il sait porter la croix». Même dans la version bilingue officielle (oui, il existe une version fédérale bilingue du Ô Canada), on ne dit pas «the True North strong and free!»...
A-t-on laissé aux services de traduction, ou pire au personnel politique du premier ministre, le soin de rendre officiel en français le «True North strong and free»? Ou est-ce tout simplement une erreur? Une grosse erreur. Ce n'est pas banal. La plupart des francophones du Québec (et peut-être même hors Québec) ne connaissent pas vraiment les paroles de l'Ô Canada anglais, Y compris moi!
Alors quand on propose aux quelque huit millions de «sujets» franco-canadiens de Charles III un passage de l'hymne national qui évoque «le Grand Nord fort et libre», ils vont chercher longtemps, en vain, pour le trouver. Avez-vous pensé à ça, M. Carney?
Par ailleurs, traduire «True North» par «Grand Nord» me semble plus que louche. Le Grand Nord, c'est le Nunavik, le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon, à la limite les extrémités nordiques des provinces de l'Ouest. Au sud du 55e parallèle, où réside probablement plus de 95% de la population du Canada et du Québec, on est loin, très loin du Grand Nord.
J'ai cherché des exemples de «True North» traduits en français et j'ai vu «vrai Nord», «Nord réel», «Nord magnétique», «Nord véritable» et occasionnellement Grand Nord. Même, une fois, «pays du Nord», que je trouverais bien acceptable.
Alors malmener la version officielle française du Ô Canada, modifier ses paroles avec une traduction louche, pour en faire la grande conclusion d'un Discours du Trône majeur, je considère cela comme une gifle. Pire, je semble être l'un des seuls. Dans les textes que j'ai lus ou les commentaires que j'ai entendus, personne n'a relevé cette erreur de fond. On en a même fait, sans précision, la manchette du journal Le Devoir. Misère...
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Passons à quelques autres horreurs.
«La langue française et la culture québécoise sont au coeur de l'identité canadienne. Elles définissent le pays que les Canadiens, les Canadiennes et moi aimons tant.» Cette déclaration nous emmène directement au pays des merveilles tant elle est contraire à la réalité historique et actuelle du Québec et du Canada.
J'ai bien aimé le commentaire de la politologue de l'Université Queen's, Stéphanie Chouinard, qui y voyait un moment «lunaire» du Discours du Trône. Une définition pertinente du Robert: «qui semble étranger au monde réel». Victime d'injustices et de persécutions depuis la Confédération, la langue française est encore aujourd'hui malmenée dans cette fédération anglo-dominante. Au Canada anglais, on aime un bilinguisme de façade, à condition que tout se passe en anglais. Alors quand Mark Carney parle, via Charles III, de cette langue et culture que «les Canadiens et moi aimons tant», j'ai la nausée. «Pincez-moi, quelqu'un», disait plus poliment Mme Chouinard sur X-Twitter.
Au-delà de ce gros mensonge, il y a cette affirmation que la langue française et la culture québécoise soient «au coeur de l'identité canadienne». Celle-là est épeurante, du moins au regard de la culture québécoise. Non satisfait d'avoir réduit le Québec au statut de province, d'un sur dix (sur 11) au sein d'une fédération sur laquelle il n'exerce aucun contrôle, voilà que le premier ministre du Canada attaque de front la souveraineté culturelle du Québec, un domaine où il n'a aucune compétence constitutionnelle.
La culture québécoise rayonne à travers le Canada, la France, la francophonie et la planète comme une entité originale, identifiable, reconnaissable, unique, indépendante du Canada anglais. Et voilà qu'on veut la réduire, aux yeux du monde, à simple composante d'une «identité canadienne» définie par Ottawa. Politiquement, un sur 10, culturellement, un sur trois... Toujours minoritaire... Cela augure mal pour les années qui viennent.
Bon. Assez pour aujourd'hui. Je reste cependant déçu de n'avoir vu ou entendu de commentaires sur ces aspects que je juge fondamentaux de de Discours du Trône. Peut-être ai-je mal regardé, mal entendu, mal vu? Ou pas...
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