mardi 22 août 2023

Entre La Matrice et le Dôme du tonnerre...



D'ici peu, au rythme où vont les choses, nous évoluerons dans une société encombrée d'analphabètes et d'ignorants. Avec l'accélération du déclin de la presse imprimée, la désinformation omniprésente sur les réseaux sociaux, la censure croissante des grandes plates-formes (Facebook, Instagram) et la fragmentation exponentielle de l'information crédible et professionnelle sur Internet, les jours de nos démocraties sont comptés.

Ces temps-ci, un combat clé se joue devant nos yeux. La méga-multinationale Meta a bloqué sur Facebook et Instagram les nouvelles émanant des médias d'information d'ici, en privant plus de 80% de la population québécoise et canadienne qui utilise ces réseaux. Le bras de fer est engagé entre nos élus et ces barons d'un capital sans frontières et sans lois. L'issue est lourde de conséquences pour l'avenir.

Mais le coeur du conflit n'est pas de savoir qui remportera la victoire cette fois. Non, au coeur de cette affaire il y a le simple fait que des organisations comme Meta aient pu acquérir la capacité de faire ce qu'elles font présentement. De toute évidence, elles se croient plus puissantes que les gouvernements et sont convaincues que les médias traditionnels (journaux, télé, radio et leur progéniture numérique) sont à genoux... Que le quatrième pouvoir agonise....

Ont-elles raison? Qu'il n'y ait pas de réponse sûre à cette question a de quoi effrayer. Les gouvernements à Ottawa ont toujours, sauf rares exception, servi les intérêts des grandes entreprises capitalistes avant ceux des citoyens. Pendant que les travailleurs et chômeurs croulent sous les dettes, les puissances économiques (pétrolières, géants de l'alimentation, banques, etc.) qui accumulent des profits indécents ont libre accès aux antichambres ministérielles. Confrontés à l'abus outrancier de Meta, les libéraux n'ont pas le choix. Il faut protester. Mais ils n'ont pas l'habitude. Ça se voit.

Il n'y a pas si longtemps, les grands journaux auraient dressé de puissantes barricades pour protéger leurs domaines contre les intrus de Facebook et d'Instagram (et les autres). Mais la cupidité et la courte vue des empires de presse minaient l'édifice à coups de virages technologiques et coupes de personnel et d'espace rédactionnel depuis près d'un demi-siècle. La presse écrite s'écroule aujourd'hui comme un château de cartes. Le Québec a perdu la majorité de ses quotidiens en 2023 dans l'indifférence quasi totale. Les hebdos Métro viennent de mordre la poussière. Ce qui reste peine à conserver des parts de marché dans l'univers fragmenté du Web.

Si encore les quelques journaux papier toujours à flot prenaient des mesures énergiques pour démontrer leur capacité d'illuminer les trous noirs créés par les Meta de ce monde... Mais non... Les seuls véritables quotidiens dignes de ce nom, le Journal de Montréal et le Journal de Québec, souffrent tous les deux des symptômes qui ont grugé jusqu'à l'os les anciens concurrents. Fermeture des presses du Journal de Québec, de l'édition du dimanche des deux quotidiens, en attendant pire. Quand au Devoir, il a cessé depuis longtemps de fonctionner comme à l'époque où ce quotidien national était un incontournable de l'information. De plus en plus, dans d'immenses pages sans pub, on remplit l'espace avec quelques reportages maison et des photos au lieu de publier des nouvelles nationales et internationales. Le journal de jadis est devenu une grappe de brèves en page 2. On dirait que Le Devoir veut décourager son lectorat d'acheter le journal papier.

Nos démocraties ne peuvent fonctionner qu'avec un public bien informé, en tous cas suffisamment informé pour pouvoir prendre des décisions éclairées quand vient le temps de déposer un bulletin de vote. Entre le pourrissement des médias d'information et l'impuissance (complicité?) des politiciens, les Mark Zuckerberg et Elon Musk et autres du genre auront beau jeu d'imposer leurs déserts d'information à ceux et celles qui tenteront de leur résister. Le résultat ultime? Promenez-vous sur Facebook et X (ex-Twitter) et lisez. Le pire réduit souvent le meilleur au silence, et ce, dans un français atroce... 

L'ignorance est porteuse des pires cataclysmes. Un terreau fertile pour le populisme d'extrême-droite. Bientôt, la chanson Plus rien des Cowboys fringants ressemblera de plus en plus à la réalité et l'humanité oscillera entre les horreurs de La Matrice et du Dôme du tonnerre. Vous me trouvez pessimiste? Vous avez raison. Je suis un vieux journaliste qui voit s'écrouler autour de lui ses idéaux d'une démocratie portée par une presse forte et libre.

Je suis toujours prêt à monter aux barricades... mais je ne vois pas beaucoup d'alliés. Enfin...


2 commentaires:

  1. Pas un mot de « La Presse » ni de votre ancien « Droit » d'Ottawa dans votre chronique. On voit que vous ne portez pas ces journaux dans votre coeur.

    Moi non plus, à vrai dire. Pourtant, la qualité du français dans La Presse est infiniment supérieure à celle des journaux de Quebecor. J'hésite pourtant à les féliciter pour leurs efforts car j'ai toujours trouvé leur politique éditoriale contraire aux intérêts d'un Québec français, au temps des Desmarais comme au temps d'aujourd'hui. À quoi bon s'escrimer à bien écrire le français quand on travaille à l'anglicisation du Québec ?

    La qualité de l'information dans La Presse, comme à Radio-Canada, n'est pas mauvaise. On ne risque pas de trouver de fausses nouvelles chez eux : la vérité, rien que la vérité. Mais pas toujours TOUTE la vérité, car les informations dérangeantes sont souvent passées sous silence.

    En terminant, je trouve qu'il est en effet inquiétant que tant de jeunes ne s'informent que sur Facebook ou sur Twitter alors que tant de journaux, colorés de l'extrême gauche à l'extrême droite, sont disponibles sur internet.



    RépondreEffacer
    Réponses
    1. J'ai souvent écrit des textes de blogue sur Le Droit et La Presse depuis une dizaine d'années et j'aurais sans doute pu étoffer davantage mes propos cette fois en faisant le tour de tout ce qui nous reste en imprimé et en numérique. Mais je voulais passer avec le moins de détours aux liens que je perçois entre l'effronterie de Meta, la position de relative faiblesse des gouvernements, l'inefficacité d'une presse amaigrie et les conséquences déjà perceptibles pour la démocratie. Merci de lire.

      Effacer