Je ne cache jamais mes sympathies péquistes dans mes textes de blogue mais quand vient le temps d'analyser les montagnes d'obstacles que le Parti québécois devra affronter - et surmonter - pour reprendre le pouvoir en 2026, je préfère m'en tenir à mes vieilles lunettes de journaliste, nettement plus objectives.
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La fenêtre de l'indépendance, qui paraissait barrée à clef, s'est de nouveau entrouverte avec la remontée plus qu'appréciable de la cote du Parti québécois dans les sondages d'opinion publique. Après avoir chuté sous la barre des 10% en 2022, le vaisseau amiral de l'indépendance a crapahuté jusqu'à près de 15% aux élections du 3 octobre dernier sous l'excellente gouverne de Paul St-Pierre Plamondon, et oscillait récemment autour de 23%... Un solide redémarrage que peu d'observateurs avaient prévu, mais le PQ reste très loin du seuil des 40% (et plus) requis pour envisager la formation d'un gouvernement majoritaire à l'Assemblée nationale.
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La prochaine campagne du Parti québécois, comme la plus récente, portera nécessairement sur l'accession éventuelle du Québec au statut d'État indépendant. Les vieux comme moi se souviennent de l'effervescence des années 60. Rien ne semblait pouvoir freiner l'élan d'un mouvement indépendantiste porté par la Révolution tranquille et une jeunesse militante. La réunion des trois partis indépendantistes (RIN, RN et MSA*) sous la bannière du PQ en 1968 permettait d'envisager une victoire électorale menant à l'indépendance. Quelle naïveté! L'adversaire devant nous, particulièrement après l'arrivée de Pierre Elliott Trudeau, n'avait aucunement l'intention de respecter les règles du jeu. Tous les sales coups, légaux et parfois, illégaux, seraient permis pour abattre le projet de souveraineté et ses partisans.
Paniqué par les sondages d'opinion publique, Ottawa avait orchestré le célèbre coup de la Brink's trois jours avant l'élection d'avril 1970, voulant faire croire à une fuite des capitaux de Montréal vers Toronto advenant une victoire du PQ. Cet attentat médiatique a privé la formation de René Lévesque d'au moins une demi-douzaine de sièges à l'Assemblée nationale. Durant la crise d'octobre, les militaires fédéraux ont envahi le Québec, Trudeau a décrété les mesures de guerre et fait emprisonner près de 500 innocents (presque tous indépendantistes) sans mandat. Par la suite, la GRC a volé des listes de membres du PQ, rédigé de faux communiqués de presse du FLQ et même brûlé une grange....
Le coup fatal a été porté en 1974 avec le projet d'étapisme de Claude Morin (qui deviendrait taupe de la GRC). Le PQ n'avait élu que six députés en octobre 1973 malgré une progression importante du vote populaire (de 23 à 30%). Pour gagner une élection et accéder au pouvoir, on a décidé de dissocier victoire électorale et indépendance. Le Parti québécois serait d'abord un bon gouvernement, et utiliserait la voie référendaire pour faire adopter son projet de souveraineté-association. Dès lors, les victoires électorales du PQ devenaient moins inquiétantes, et Ottawa pouvait concentrer toute sa puissance de feu contre un éventuel référendum. Sous l'étapisme, le PQ a remporté cinq élections et douloureusement perdu ses deux référendums, avec les conséquences que l'on connaît. Et aujourd'hui, dans un univers politique bien plus défavorable qu'il y a 50 ans, le Parti québécois traîne toujours comme un boulet cette obligation référendaire, devenue inutile, voire nuisible, même en période électorale.
L'effet des défaites référendaires ne s'est pas limité aux larmes et à la démobilisation d'une partie des forces indépendantistes. Après 1980, ce fut la nuit des longs couteux, où le Canada anglais ligué avec nos collabos a imposé au pays la Charte constitutionnelle de 1982 que Québec n'a jamais ratifiée et qui est devenue au fil des ans l'une des armes les plus efficaces d'Ottawa et de ses juges contre toute velléité d'autonomie québécoise. Après la sale campagne de 1995 où le fédéral a multiplié les coups bas, le gouvernement Chrétien a ajouté à son arsenal la Loi sur la clarté référendaire qui permet au Parlement fédéral de juger de la validité et de la clarté de la question référendaire soumise à la nation québécoise, et aussi de statuer sur la légitimité de la majorité obtenue. S'il y a un troisième référendum, le Québec lancera un assaut suicidaire sans armure, les mains attachées dans le dos, contre une majorité anglo-canadienne blindée et sans pitié.
S'il tient vraiment à vaincre ses adversaires en 2026 et à mettre en marche le processus de souveraineté, le Parti québécois devra repenser sa stratégie d'étapisme. Et ce, immédiatement, pas quelques mois avant le scrutin. Ceux et celles qui ont vécu 1980 et 1995 en conservent un souvenir amer qu'ils ne souhaitent pas revoir. Quant aux plus jeunes, devenus terre de mission pour les indépendantistes, rien n'indique qu'ils espèrent vivre un moment référendaire dont ils n'ont jamais entendu dire de bien. Et soyez assurés que les adversaires du Parti québécois ne manqueront pas de brandir les malheurs du passé en pointant du doigt l'engagement référendaire toujours au programme du PQ. Promettre un troisième référendum, c'est mettre dans sa bouche une capsule de cyanure. Le tenir, c'est la croquer.
Évidemment, le vaisseau amiral de l'indépendance ne peut revenir à sa position d'origine. Se faire élire, surtout avec moins de 50% des voix exprimées, ne permet pas de faire une déclaration unilatérale de souveraineté politique. Mais un gouvernement péquiste sans promesse référendaire n'est pas pour autant réduit à l'impuissance. Les troupes de Paul St-Pierre Plamondon pourraient mettre très clairement en marche les rouages d'un projet qui permettrait d'accumuler des victoires et de renforcer l'autonomie du Québec dans le cadre d'une feuille de route bien publique vers l'indépendance, sans mettre tous les oeufs dans le panier percé du grand soir référendaire. Même les faibles lois 21 et 96 de la CAQ ont rougi les braises nationales. Le Parti québécois au pouvoir peut faire beaucoup, beaucoup mieux. Gagner des batailles, c'est mieux que perdre la guerre. Et il faut se réhabituer à gagner.
Ainsi, comme entrée en matière, un gouvernement péquiste en 2026 pourrait redonner à la Charte de la langue française sa force d'origine et affirmer sur de plus solides bases la laïcité de l'État. L'abolition du serment au roi Charles III pour les députés, initiative du PQ, a confirmé le droit du Québec de modifier ses rapports avec la monarchie britannique, qui relèvent de la constitution québécoise. Le Parti québécois pourrait promettre d'abolir tous les liens avec la monarchie et de faire du Québec une république fédérée en attendant le jour de l'indépendance. Un gouvernement du PQ pourrait aussi faire ce que tous les gouvernements fédéralistes avant lui n'ont jamais osé: concrétiser le rejet de la Constitution imposée de 1982 en refusant de lui obéir, en réaffirmant le droit de véto perdu du Québec. Pas question d'accepter que des juges nommés par Ottawa puissent, en vertu de cette Charte, démanteler l'édifice juridique québécois. La Cour suprême du Canada rejette la Loi 21, la Loi 96, affirme l'autorité fédérale en matière de santé, de garderies? On l'envoie paître... Où une telle dynamique nous mènera-t-elle? Dans la bonne direction!
Un gouvernement indépendantiste peut lancer des dizaines de chantiers qui, sans modifier les textes constitutionnels actuels, mettront en branle un processus qui finira par rallier une forte majorité de Québécois, ou qui sera peut-être un jour rejeté. Quoiqu'il en soit, les victoires acquises en chemin resteront. Tout n'aura pas été misé sur un référendum dont on sait, à moins d'un miracle, qu'il sera perdant. En 2026, le Québec doit élire le gouvernement d'un État indépendant en devenir qui agit comme tel, plutôt qu'une administration handicapée par une quête incessante de conditions gagnantes en vue d'un ultime coup de dés référendaire. C'est notre dernière chance. Il faut qu'en 2030, un gouvernement péquiste soit en mesure de dire avec confiance à la nation: si vous nous réélisez avec plus de 50% des suffrages, la planète aura un nouveau pays!
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* RIN - Rassemblement pour l'indépendance nationale; RN - Ralliement national; MSA - Mouvement souveraineté-association
Le regretté Frédéric Bastien, historien et auteur de La Bataille de Londres, candidat à la direction du PQ en 2020, proposait un programme d'accession à l'indépendance s'étendant sur deux mandats.. Dans le premier mandat revendiquer tous les pouvoirs nécessaires au Québec lui permettant de maintenir une province francophone en Amérique du Nord. Évidemment ces revendications allant contre la religion du multiculturalisme, les chances sont que Ottawa va rejeter les demandes du Québec comme il le fait actuellement avec la CAQ. Avec ce bilan prouvant que jamais le Québec ne pourra s'épanouir comme province laïque et francophone, le PQ peut aller devant les électeurs et demander un deuxième mandat incluant un référendum sur l'indépendance du Québec.
RépondreEffacerMaintenant concernant la Cour suprême du Canada. Une hypothèse avancée est que nos savants juges pourraient modifier la clause dérogatoire (Art. 33) pour déclarer la Loi 21 ultra vires. Ce qui équivaudrait à un amendement constitutionnelle fait par les juges. C'est ce que le gouvernement fédéral demandera aux juges de faire si on se fie aux déclarations de l'ex-ministre de la Justice Lametti.
Voici ce que devrait être la réponse du gouvernement québécois:
1)le Québec n'a jamais signer l'entente et par conséquent la Loi constitutionnelle est illégitime;
2)le rôle des juges est d'interprêter la constitution et non pas de la modifier ou l'amender ce qui est le rôle des politiciens;
3)par conséquent le gouvernement du Québec ne reconnait pas le jugement contre la Loi 21, laquelle loi continuera d'être appliquée dans son intégralité.
Il serait intéressant de voir la réaction de Trudeau ou Poilievre devant ce défi. Mais j'ai bien peur que Legault va faire comme Bourassa après l'échec de Meech. Il va s'écraser.
Le droit à l'autodétermination est une fiction politique entretenue par les fédéraux.
RépondreEffacerCertains juristes souverainistes prennent un réconfort sur la décision de la Cour suprême a l'effet ( 1998) que ce droit est « légitime ». Mais semblent ignorer la question fondamentale de l'effectivité de ce droit :
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/796507/idees-le-renvoi-sur-la-secession-du-quebec-25-ans-plus-tard?
Mon commentaire à cet article :
Jean Claude Pomerleau - Inscrit 19 août 2023 09 h 33
L'incontournable principe d'effectivité
« En pratique, elle a reconnu en 1998 la légitimité de l’exercice du droit à l’autodétermination du Québec qu’elle avait bafoué en 198i »
La Cour Suprême a soumis l'exercice du droit à l'autodétermination à la coutume constitutionnelle,et a ouvert la porte à la partition du territoire de l'État du Québec. Ce qui, tout en reconnaissant la légitimité de ce droit, en nie l'effectivité.
Dans la contestation de la Loi 99 -2000, la Cour d'appel limite ce droit au cadre de la coutume constitutionnelle, et nie le statut du peuple et de l'État (une expression pompeuse) du Québec. Selon ces savants juges, sur l'essentiel, le législateur aurait parlé pour ne rien dire
De plus, la cour se prononce sur le doit international, et ferme la porte à un recours à L'ONU pour faire valider ce droit, Ici, la cour reconduit l'argument de P E Trudeau en 1977 :
« Il n’existe pas de peuple québécois ou Canadien-français » (...)
Et il ajoute : « Pour être un peuple ou une nation,
il faut être capable de se gouverner, se conduire en adulte et d’avoir une destinée. »
(...)..Les Québécois n’entrent pas dans
la définition de l’O.N.U. d’un vrai peuple, d’une vraie nation..... »( L'Étoile du Lac, Organe officiel des comté Lac St Jean-Roberval
W. Hidola Girard, avocat, Roberval. Le 23 novembre 1977 )
Cette déclaration est devenue statutaire dans la Constitution de 1982, laquelle se fonde sur la négation de notre statut politique de nation.
Le droit à l'autodétermination du Québec (interne et externe) est, pour le moment, une fiction politique. Et le défi du mouvement souverainiste est de revoir son cadre stratégique pour le rendre effectif, sans quoi le référendum, suggéré au stratège Claude Morin (1969) par les mandarins fédéraux de Trudeau, demeure un piège à con.
La souveraineté relève du politique, en fait de la géopolitique, et de règles du jeu qu'on ignore à ses dépens. Dont l'incontournable principe d'effectivité.
...
Le PQ n'a jamais relevé le défi du réel :
https://www.youtube.com/watch?v=t4TeOLnaPds
Le deuil dur rêve, non le réveil du dormeur, et le retour à la réalité : l'édification de l'État national .
C'était le cadre stratégique de Daniel Johnson, décédé avant de le mener à terme. Ce cadre sera réédité cet automne.
L'auteur de l'article peut communiquer avec moi via Vigile.Québec.
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RépondreEffacerAvec 23 % pour le PQ et 15 % pour QS, un tel duo est potentiellement prometteur. Les votes ne se reporteraient pas automatiquement, en entier, d'un parti à l'autre, selon les circonstances, mais il me paraît réaliste et possible de viser entre 30 et 40 % du vote. À ce niveau, tous les espoirs sont permis...
RépondreEffacerJe vous trouve un peu pessimiste, M. Allard. Bien des formules et des scénarios sont possibles. Si le PQ atteint 23 %, QS était à 15 % il n'y a pas si longtemps. Le sérieux de la démarche souverainiste des deux formations n'est pas la même de l'une à l'autre, c'est vrai. Toutefois, en pratique, il n'existe rien, sinon des facteurs tenant à la nature humaine (jalousie, méfiance, etc.), qui puisse empêcher les deux formations de conclure une entente, possiblement avec le Bloc québécois comme médiateur et entremetteur. En gros, les partis déterminent, peut-être à l'aide de sondages, quelle formation a le plus de chances d'emporter un comté. L'autre parti s'abstient alors de présenter un candidat. Il n'y aurait donc qu'un seul candidat indépendantiste par comté, au lieu de deux. QS est fort dans l'urbain, les milieux immigrants et les centres universitaires, alors que le PQ est surtout fort, en général, dans les régions, la Capitale nationale et l'est du Québec, soit les secteurs qui se trouvent en aval de la ville de Québec (Saguenay, Côte-Nord, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Îles). Le PQ a une clientèle vieillissante, alors que QS a une clientèle très jeune. Si le duo devient l'Opposition officielle, les postes de responsables de dossiers ministériels sont répartis entre les partis selon les qualifications des candidats disponibles et au pro-rata du pourcentage du vote ou du nombre total de comtés remportés par le duo. Toujours selon cette formule, en cas d'une victoire sur la CAQ, les deux partis (préalablement ou non) auront à se répartir les porte-feuilles ministériels. Il faudrait évidemment que les chefs de partis s'entendent entre eux au sujet du poste de premier ministre. M. Gabriel-Nadeau a plus d'expérience comme parlementaire et cela pourrait être un critère déterminant à cet égard. Il reste un bon trois ans avant les prochaines élections, la CAQ plafonne, me semble-t-il, le PLQ décline beaucoup dans le vote francophone et le PCQ ne semble pas devenir un facteur notable. Le 'timing' serait donc bon pour entamer des négociations entre les deux formations. Quelqu'un aurait-il des suggestions relativement à la façon d'approcher les deux formations en question? Qui a des contacts avec le Bloc québécois?
RépondreEffacer"Un vote pour le PQ est un vote pour l'indépendance" a dit PSPP en octobre 2020. « Notre projet d'indépendance, on veut l'assumer et on veut en parler de manière fière, directe, transparente. [Ce qui signifie] donc plus de tactique, plus de mécanique référendaire compliquée. Un vote pour le Parti québécois, c'est un vote pour notre projet de pays. »
RépondreEffacerLe meilleur moyen de parvenir à un endroit, c'est d'y aller en ligne droite.
@Charles Miller, Le PQ a déjà tenté de négocier une alliance avec QS..