lundi 27 mai 2024

Les médias et Francis Drouin - quel gâchis!

Capture d'écran de mon compte X-Twitter du 22 mai 2024

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Justement, j'y reviens!

Vous vous souvenez de «l'incident» survenu le lundi 6 mai au comité des Langues officielles de la Chambre des Communes?

Le député franco-ontarien Francis Drouin avait traité d'«extrémiste» et de «plein de marde» le chercheur Frédéric Lacroix, après que ce dernier eut témoigné du lien entre le fait - pour un francophone ou un allophone - d'étudier en anglais au post-secondaire et la probabilité accrue de travailler et de vivre par la suite en anglais.

La couverture médiatique de langue française a été relativement abondante, mais lamentable par ses omissions en axant textes et reportages sur la vulgarité du langage employé par M. Drouin, sur la qualité des excuses offertes par le député libéral et sur le brouhaha partisan autour de l'affaire.

En chemin, les journalistes ont oublié le coeur de cette chicane, c'est-à-dire la valeur du témoignage de M. Lacroix, qualifié d'extrémiste et faux par le député de Glengarry-Prescott-Russell. Les francophones sont-ils ou pas à risque de s'angliciser en fréquentant un collège ou une université de langue anglaise?

Voilà le noeud de l'affaire. Le lendemain de la réunion, le 7 mai, le député Drouin avait modéré le ton mais soutenait toujours - et continue de le faire - que les propos de Frédéric Lacroix «ne faisaient pas de sens (sic)». Que poursuivre ses études à Dawson, McGill ou Concordia ne met pas à risque la langue et la culture des francophones.

Avoir été directeur d'une salle de rédaction dans un journal ou une station de télé et, bien sûr, avoir eu suffisamment de personnel pour s'en occuper, j'aurais exigé en priorité:

* d'écouter l'enregistrement de la réunion du 6 mai au Parlement, deux fois s'il le faut (15 minutes max.). Combien de journalistes, pensez-vous, se sont donné cette peine? Si certains l'ont fait, cela n'a pas beaucoup paru dans les textes diffusés;

* de réaliser un suivi auprès de Frédéric Lacroix, pour offrir à l'auditoire du média plus d'information sur les études de Statistique Canada citées par le chercheur, et la méthode utilisée pour en arriver aux conclusions proposées au comité des Langues officielles;

* d'effectuer un suivi auprès d'un échantillonnage de cadres universitaires et collégiaux québécois, et d'autres chercheurs, pour confirmer ou infirmer le témoignage de M. Lacroix, et pour voir si on considère tel témoignage «extrémiste»;

* et surtout, un suivi auprès des grandes organisations de francophones hors Québec, notamment l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO) qui, avec ses prédécesseurs, réclame des écoles françaises (même au post-secondaire) depuis plus de 100 ans parce qu'étudier en anglais en situation minoritaire entraîne une anglicisation certaine;

Le bordel déclenché par l'incident «plein de marde» dure depuis plus de deux semaines et rien de ce que j'ai lu ou entendu (je n'ai pas tout lu, je n'ai pas tout entendu) me permet de croire qu'un ou plusieurs journalistes de nos grands médias aient reçu une telle affectation de leurs patrons. Pourquoi? Manque d'effectifs? Ignorance? Négligence? Pire?

Le 7 mai, aux Communes, selon les reportages, le premier ministre Trudeau, en plus de soutenir les écarts de son député de Glengarry-Prescott-Russell, s'en est pris au Bloc québécois qu'il a accusé de «ne jamais défendre les francophones hors Québec». Son ministre Pablo Rodriguez a tenu lui aussi des propos similaires.

Encore là, les médias ont lamentablement échoué à la tâche. A-t-on demandé à un seul journaliste de donner un coup de fil à la FCFA (Fédération des communautés francophones et acadienne), ou à d'autres organisations de la francophonie hors Québec, pour connaître l'état de leurs rapports avec le Bloc québécois?

Et bien sûr pendant ce temps, les dirigeants des francophones vivant au Canada anglais se taisaient, sachant sans doute que Frédéric Lacroix avait raison mais ne voulant pas mordre la main fédérale qui les finance, ou offusquer l'un des leurs, en l'occurrence le député Francis Drouin.

La première organisation à se manifester (le 14 mai), l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, s'est contentée - par la voix de son président Fabien Hébert - d'apporter son soutien au député de Glengarry-Prescott-Russell, vu comme ami de la cause franco-ontarienne. Un appui bien personnel, sans mention aucune de la question du lien entre étudier en anglais et s'angliciser (la raison d'être de l'organisation depuis 1910).

Y a-t-il au moins un journaliste qui ait tenté d'obtenir puis publié des explications de M. Hébert ou de la direction générale de l'AFO? Un appel à Hearst ou à Ottawa? Une réponse quelconque? Bruits de criquets. Y a-t-il au moins un journaliste qui soit allé rencontrer des gens dans la circonscription de M. Drouin pour obtenir des réactions à ses propos?

Où était Le Droit, qui couvre cette région de l'Est ontarien depuis plus de 100 ans? Où étaient les grands médias montréalais, à moins d'une heure de route? La Presse? Le Journal de Montréal? Radio-Canada? TVA? Une journaliste du Devoir avait signé un texte le 9 mai sur les réactions des parlementaires, avant d'être affectée à la rédaction d'une série d'articles sur la région de Timmins, en Ontario? Pourquoi pas la circonscription de Francis Drouin, voisine de la capitale fédérale?

Deux jours plus tard, au tour de l'ACFA (Franco-Albertains) de publier une lettre de sa présidente, Nathalie Lachance, en réplique aux propos du chef du Bloc québécois. Une lettre qui n'aborde ni l'affaire Drouin, ni le lien entre les études en  anglais et l'assimilation des francophones. Tout au plus se limite-t-on à affirmer la légitimité des craintes au sujet de l'anglicisation du Québec et des francophones ailleurs au pays. C'est déjà quelque chose.

Par contre, relativement au processus récent de modification de la Loi sur les langues officielles, Mme Lachance écrit ce qui suit: «Nous sommes d'ailleurs très reconnaissants de l'appui du Bloc québécois envers des modifications souhaitées par nos communautés.» Aucun média ne semble avoir saisi qu'on venait de contredire les propos tenus par Justin Trudeau, Pablo Rodriguez et d'autres. Je n'ai vu aucun suivi dans nos grands médias d'information.

Plus récemment, lors du vote sur la présence et la présidence de Francis Drouin à l'Association parlementaire de la francophonie, le 23 mai, la question centrale du lien entre étudier en anglais et s'angliciser (ce qui a déclenché le brouhaha) brillait par son absence dans les priorités journalistiques. On assistait désormais au procès du député Drouin, dans l'oubli quasi total de la problématique qui avait donné naissance à cette affaire... 

Quel gâchis !


3 commentaires:

  1. Toujours de très bons textes, mais lus par combien de personnes !!! Depuis que la plupart des journaux ont été achetés par les Desmarais et/ou leurs sbires, les informations sont noyautés !!!
    La démocratie est devenue la démo...........crassue, malheureusement !!! Surtout, ne soyons pas dupes !!!

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  2. N'abandonner pas, M. Allard. Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Bien des gens pensent comme vous, mais trop peu ont une tribune pour le faire.

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