Vieux syndicaliste, je suis sensible aux appels du 1er mai, Fête des travailleurs. Quand mon ancienne centrale, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), a réservé une pleine page dans Le Devoir du 29 avril pour en souligner l'importance, j'ai entendu l'écho des fières solidarités d'antan. Jusqu'à ce que je lise le message, qui me parut triste et plutôt démoralisant...
«Pourquoi la CSN se mobilise-t-elle le 1er mai?», lance la centrale centenaire en gros caractères rouges: pour hausser le salaire minimum, jugé scandaleux, et améliorer les conditions de travail, «parce qu'un salaire minimum à 15,75$/h ne permettra jamais à quiconque de se sortir de la pauvreté». C'est tout. Rien de plus. C'est sans doute mieux que les autres centrales syndicales, absentes, mais tout de même!
Il y a 50 ans, quand je militais au Conseil central de l'Outaouais et au conseil confédéral de la CSN, le salaire minimum et les conditions de travail faisaient aussi partie des revendications. Mais il y avait bien plus que cela! Les syndicats proposaient alors des projets de société plus juste. Sous diverses bannières - socialisme, social-démocratie, coopératisme et variantes - se déroulaient de vifs débats visant à changer profondément ce monde qui permet, tolère et même encourage les injustices qu'on peine à corriger.
Dans son rapport intitulé Le deuxième front, vers la fin des années 1960, le président de la CSN de l'époque, Marcel Pepin exhortait les syndiqués à «prendre conscience que leurs conventions collectives n'existent pas en vase clos, mais bien dans une société, qui a aussi une emprise sur leurs conditions de vie. Que le rapport de force dans lequel ils sont impliqués peut être un moteur de changement pour tous. Il ne faut jamais perdre de vue qu'un travailleur, c'est aussi un citoyen!»
Négocier des conventions collectives, c'est bien mais insuffisant. Quand les pétrolières et les chaînes d'alimentation vident vos poches avec des hausses de prix excessives; quand gouvernements et banques ne trouvent rien de mieux, pour combattre cette «inflation», que de hausser les taux d'intérêt et vider vos poches un peu plus; quand les syndicats se contentent de négocier des hausses de salaire pour tenter de rattraper le pouvoir d'achat perdu, les coupables grassement enrichis restent impunis avec la complicité de nos représentants élus, et les victimes restent victimes, proies faciles pour la prochaine agression du grand capital.
En 2024, nos centrales syndicales semblent avoir capitulé devant un système économique jugé hors d'atteinte, tout comme chez Desjardins, vaisseau amiral d'un mouvement coopératif qui n'en a guère plus que le nom. Et encore... on s'est même débarrassé du mot «populaire» et vidé le logo de sa ruche. Pendant que Desjardins dépense des centaines de milliers de dollars en pubs qui font parfois paraître les membres comme des idiots et des égoïstes*, ses dirigeants des bunkers montréalais ferment allègrement des guichets et des centres de services un peu partout.
Dans Le Devoir du 29 avril 1972, à l'avant-veille du 1er mai, le nouveau président du Mouvement des caisses populaires (oui, populaires) Desjardins, Alfred Rouleau, parlait d'unir les quelque trois millions de membres «autour d'objectifs sociaux et économiques qui permettent à l'ensemble du mouvement d'être en mesure d'assumer pleinement son rôle d'agent de changement» au sein de la société, le tout en répondant aux «exigences démocratiques de la coopération». Il proposait aux caisses populaires locales d'accentuer leur visage humain et «à s'identifier davantage aux problèmes sociaux de leur milieu». Aujourd'hui, le projet social - et l'espoir qu'il portait - a été rangé et Desjardins se donne de plus en plus des allures de banque...
Décidément, en ce début de 21e siècle, le 1er mai Fête des travailleurs a troqué l'avenir pour le souvenir... «ne jamais oublier les sacrifices de ceux et celles qui ont lutté pour améliorer le sort de la classe ouvrière»... Reste-t-il quelqu'un pour reprendre le flambeau, pour rougir les braises d'une rébellion démocratique contre la dictature du capital? Ou seulement quelques vieux comme moi qui s'ennuient des barricades où se dressait l'espoir d'un monde meilleur?
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*Lien au texte «Desjardins: des $$$ pour des pubs insipides sur fond de fermetures...». Sur mon blogue. https://lettresdufront1.blogspot.com/2024/04/desjardins-des-pour-les-pubs-sur-fond.html
Les Caisses ont eues comme dirigeante de 2008 @ 2016, Monique F. Leroux qui avait plusieurs années d'expériences dans le milieu bancaire !!! Depuis ce temps, plus rien n'a été pareil dans les caisses qui sont devenues des banques !!!
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