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Le texte français de la cérémonie d'assermentation |
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Si jamais on cherchait une démonstration éloquente du peu d'égards réservé par Ottawa à la langue française, il suffisait de regarder, ce 13 mai 2025, la très monarchique cérémonie d'assermentation des membres du cabinet du premier ministre libéral Mark Carney.
Les médias francophones, trop occupés à annoncer et décortiquer les nominations, ou tellement habitués à voir la langue française piétinée qu'ils n'y portent plus attention, ne semblent pas avoir relevé l'unilinguisme anglais du début de la cérémonie et de près de la moitié des ministres et secrétaires d'État nommés par M. Carney.
Devant sa patronne incapable de s'exprimer en français, le secrétaire de la Gouverneure générale, Ken McCullough, qui s'est présenté en anglais, a expliqué en anglais seulement le cérémonial de la lumière en cours, présidé par un Inuit du Nunavut. J'attendais la traduction française (c'est toujours une traduction...) mais elle n'est pas venue.
M. McCullough a ensuite présenté en français (une courte phrase...) l'aînée algonquine Verna McGregor pour le récit d'un mot de bienvenue. Cette dernière a alterné entre l'anglais et sa langue autochtone pendant quelques minutes. Un peu de français à part le «Bonjour tout le monde», juste pour la forme? Non... et il m'est apparu que cela ne dérangeait personne...
Vint ensuite l'interminable procession de ministres et de secrétaires d'État appelés à jurer ou déclarer leur «sincère allégeance à Sa Majesté le Roi Charles III, Roi du Canada, à ses héritiers et successeurs». Pour les nouveaux membres du cabinet, s'ajoute un deuxième serment de fidélité à la royauté. Suivis, laïcité écarte-toi, de l'optionnel «ainsi Dieu me soit en aide»...
Des 38 membres et demi-membres du conseil des ministres, pas moins de 12 ministres et 6 secrétaires d'État (en italiques) ont prononcé leur serment d'allégeance monarchique en anglais seulement:
- Jill McKnight
- Heath MacDonald
- Rebecca Alty
- Joanne Thompson
- Shafqat Ali
- Rebecca Chartrand
- Mandy Gull-Masty
- Tim Hodgson
- Eleanor Olzewski
- Gregor Robertson
- Maninder Sidhu
- Evan Solomon
- Buckley Belanger
- Stephen Fuhr
- Wayne Long
- Stephanie McLean
- Randeep Sarai
- John Zerucelli
Deux assermentés, un ministre (Joël Lightbound) et une secrétaire d'État (Nathalie Provost) se sont exprimés en français seulement; les autres (19) en bilingue, souvent l'anglais en premier. Et toutes ces bonnes gens ont posé pour ls photos de circonstance avec M. Carney et la représentante du roi Charles III, la très anglophone Mary Simon qui, heureusement, n'a pas eu à parler.Il faut aussi noter que la cérémonie avait lieu à la Résidence de la Gouverneure générale et non, comme cela se fait au Québec, au Parlement. Les députés fédéraux ne jurent pas allégeance au peuple (sauf Gregor Robertson, avec quatre petits mots en français); chacun, comme le dit le texte du serment d'allégeance, est un «fidèle et loyal serviteur de Sa majesté le roi Charles III»...
Cette cérémonie a une grande valeur éducative pour les francophones du Québec. On leur apprend que leur langue n'est pas la bienvenue ici, quoiqu'on dise dans les traductions des discours officiels. Seulement deux des neuf membres québécois du cabinet élargi ont prêté serment en français uniquement. Six en bilingue et une (Mme Gull-Masty) en English only. Ça fait dur!
On y apprend aussi que la monarchie occupe ici la place centrale et qu'on ne peut imaginer voir à Ottawa, dans un avenir prévisible, la possibilité de jurer fidélité au peuple plutôt qu'à un roi colonial et chef religieux d'outre-mer. Après avoir entendu prononcer «Sa Majesté Charles III» une soixantaine de fois en une heure et demie, on souffre d'indigestion...
Ce qui fait de nous ce que nous sommes, cette nation québécoise, sa langue, ses valeurs, n'a pas sa place à Ottawa. Le gouvernement Carney, fidèle au serment d'allégeance, combattra les velléités anti-monarchiques du Québec, sa laïcité, ses plus fortes mesures de protection du français, jusque devant ses juges de la Cour suprême. Avec l'aide de ses collabos...
Il ne manquait qu'une seule chose: le O Canada chanté en punjabie comme nous avons vu lors d'une partie de hockey des Jets de Winnipeg.
RépondreEffacerDans un sens, c'est sain. Le Canada se regarde dans le miroir et voit la réalité comme elle est, sans fard et sans masque. La mascarade de la ''confédération'' canadienne, jouée pendant tant de décennies, peut cesser, grâce à cette cérémonie d'un autre âge. Le royaume qu'est réellement le Canada (et qu'il a toujours été) se révèle enfin dans toute son horreur. Avec ce nouveau gouvernement, le rêve illusoire et postnational que prônait l'ancien gouvernement est remplacé par une réalité monarchique qui, elle, relève davantage du cauchemar...
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