De tout dans la boîte... des travaux manuscrits, tapés à la machine, de vieux cahiers Canada, quelques éditions de Matric, l'annuaire de l'école secondaire, et des numéros du journal étudiant La Rotonde
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Voilà une tâche que je remets depuis une cinquantaine d'années mais là, à 72 ans, le temps est enfin venu de «faire le ménage» dans ma boîte de cahiers et travaux d'école secondaire et d'université... S'il n'en tenait qu'à moi, je les conserverais tous. Ils ont été témoins de ma jeunesse et en disent long sur l'éducation que j'ai reçue, du début de mon secondaire (1959) à ma scolarité de maîtrise en science politique (1969), ainsi que sur les bouleversements sociaux de mon adolescence à l'âge adulte...
Entre les JMJ (Jésus-Marie-Joseph) dans les marges de nos cahiers à l'École secondaire de l'Université d'Ottawa et les travaux universitaires sur le marxisme athée à la fin des années 60, il me semble que tout avait changé. Le quasi-script d'enfant était devenu l'écriture qui me caractérise toujours en 2018. Les dissertations manuscrites s'étaient transformées en travaux dactylographiés, puis en documents polycopiés à la Gestetner (les plus jeunes, cherchez dans Wikipédia...).
Aucun étudiant d'aujourd'hui ne pourrait imaginer rédiger, stylo à la main, un devoir de 25 pages intitulé Évaluez l'influence du président de Gaulle sur la politique étrangère de la France, 1958-1966»... Et que dire des nuits passées à taper des mémoires de maîtrise à la machine pour pouvoir les remettre à temps au professeur qui vous aurait collé un «zéro» au moindre retard... Un merci tardif à mon père, qui pouvait dactylographier 90 mots à la minute et qui m'a souvent dépanné en abrégeant son sommeil...
Quand je passe en revue ces dissertations avec 50 ans de recul, je les trouve plutôt insipides... rédigées à la hâte, sans suffisamment de recherche et d'application. J'étais à l'époque Franco-Ontarien, engagé dans la lutte pour obtenir le droit à un réseau scolaire public de langue française dans ma province d'origine, et le combat pour la francophonie hors-Québec me passionnait plus que mes études. Malheureusement...
Élèves et profs de l'École secondaire de l'Université d'Ottawa, automne 1959
Mes vieux cahiers d'école secondaire m'ont rappelé que mes parents s'étaient endettés pour inscrire mon frère et moi à une école privée bilingue parce que dans mon quartier d'Ottawa, la seule école secondaire publique offerte aux francophones était le «high school» anglais Fisher Park, où les jeunes Canadiens français allaient s'assimiler sans s'en rendre compte...
Mais même à mon institution privée, où la majorité des élèves étaient francophones, la moitié des cours étaient donnés en anglais - les matières les plus prestigieuses comme la science, les maths, la physique, la chimie, l'économie... On enseignait en français la religion, le latin, l'histoire, la géographie... Je me souviens que rendu en secondaire 3, je parlais le plus souvent anglais, même à mes amis franco-ontariens... La dernière année du secondaire (1962-63) fut heureusement celle de mon réveil identitaire...
Ce qui m'amène à penser au «Matric», le titre officiel de l'annuaire des élèves de l'École secondaire de l'Université d'Ottawa, dont j'ai retrouvé des exemplaires dans ma boîte de reliques estudiantines... Nous étions 500 élèves francophones pour 200 anglophones, mais l'annuaire avait un nom anglais, Matric signifiant dans la langue de Shakespeare la dernière année du secondaire. Les réunions du conseil étudiant se tenaient beaucoup en anglais, à cause de la présence d'un membre anglophone (unilingue évidemment). Cela devait tout changer en 1963 quand les francophones du conseil ont décidé de ne parler que le français, sous les protestations du conseiller moral (un père Oblat) qui les a vainement exhorté à faire preuve de charité chrétienne envers le pauvre anglophone. Ce dernier n'est pas revenu aux séances du conseil étudiant...
Le passage à l'universitaire ne nécessita même pas de déplacement physique, les locaux occupés par l'école secondaire ayant été cédés à la faculté des Sciences sociales de l'Université d'Ottawa où je m'étais inscrit. J'ai étudié dans la même aile de la même bâtisse pendant 10 ans... Mais en cet automne de 1963, j'entrais dans un nouvel univers, au contact d'étudiants majoritairement québécois et indépendantistes. Un choc culturel majeur... dans un monde en bouleversements...
J'avais conservé dans ma boîte de rangement un travail de rédaction sur une pièce de Shakespeare, remis à mon prof d'anglais le 22 novembre 1963... Ce dut être en matinée, parce qu'après l'heure du lunch, dans un cours de classiques grecs, un étudiant a ouvert la porte de la classe pour annoncer que le président Kennedy avait été assassiné. La classe s'est vidée, et un attroupement s'est formé dans la bibliothèque où il y avait un téléviseur. D'autres sont partis regarder la télé à la maison jusqu'à tard en soirée...
Mes cahiers de notes de classe témoignent de la diversité des professeurs qui avaient pour mandat de nous sortir de notre inculture. La plupart étaient bons pédagogues, mais j'ai retrouvé trois cahiers d'un de mes cours de science politique de 2e, où le professeur avait - toute l'année, à chaque cours - lu très lentement ses notes sur l'histoire de la diplomatie pour qu'on les prenne à la dictée. Près de 400 pages de notes entre septembre et avril... J'hésite entre les conserver ou les lancer au bac de recyclage...
Intitulés «Les minorités linguistiques (et religieuses) au Canada et le fédéralisme» et «La révolution tranquille au Québec: natures et origines», mes deux derniers mémoires au bac (1968) et à la maîtrise (1969) sont à la fois un reflet de l'époque et une indication de mes intérêts personnels. Je poursuivais mon militantisme franco-ontarien tout en appuyant, désormais, la cause de l'indépendance du Québec. Un mois exactement après la remise du second, le 9 mai 1969, j'ai entrepris une carrière de journaliste au quotidien Le Droit... Après une heure ou deux dans une salle des nouvelles, je savais que j'en avais fini avec l'université...
Mon inscription dans le bottin étudiant de 1968...
Bon... le ménage est fait... J'ai décidé de jouer à Salomon... La moitié au recyclage, l'autre moitié reste. Ce que je conserverai retrouvera ma boîte aux trésors du passé. Sait-on jamais? Peut-être ces documents serviront-ils à quelque chose, un jour? En tout cas, jusqu'à ma mort, ils resteront sous ma protection...
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Une question qui pique ma curiosité? Suis-je le seul à accumuler de tels souvenirs? Et si certains de ceux et celles qui tomberont par hasard sur ce texte le font aussi, que conservent-ils et pourquoi? Intéressantes possibilités de dialogue...
Bonjour Pierre,
RépondreEffacerTa boite aux trésors ne s'est pas envolée, j'espère ???
Gilles Sauvageau
L'Assomption