Outaouais... Gatineau... Voilà, avec ces deux mots, j'ai la conviction d'avoir perdu 90% ou plus des lecteurs et lectrices québécois qui butinent, par hasard ou par exprès, sur mes affichages Twitter-Facebook, ou directement sur mon blogue... J'espère me tromper mais mon expérience et mon instinct de journaliste me disent que ce qui se passe dans ma région n'intéresse pas grand monde ailleurs...
La campagne électorale aurait dû être l'occasion idéale de mettre en valeur une vision d'avenir pour l'Outaouais, mais encore une fois les partis politiques en lice s'en sont tenus à ce qui fait le plus souvent les manchettes dans les médias régionaux (oubliez les médias nationaux, où nous sommes à peu près absents): santé, éducation, réseau routier. On n'en finit pas de parler de la demi-autoroute 50, de la vétusté de l'hôpital de Hull, des espoirs trop souvent déçus de l'Université du Québec en Outaouais (UQO), des sous-financements chroniques et j'en passe.
Mais rien de tous ces engagements et promesses n'incarne une vision de l'Outaouais comme partie intégrante du Québec, et non seulement comme porte de sortie vers la capitale fédérale. Gatineau, où logent les deux tiers de la population outaouaise, quatrième ville du Québec, continue d'être vue comme appendice de la ville d'Ottawa avec toute la négligence que cela entraîne à Québec depuis au moins un siècle. Cinq ponts relient Gatineau et la rive ontarienne, mais où sont les ponts (au sens figuré) vers les autres régions québécoises et la métropole?
Si l'on se met à considérer l'Outaouais comme pièce essentielle de l'échiquier socio-économique québécois, la demi-autoroute à deux voies qu'on a mis plus de 40 ans à construire vers Mirabel (vous vous souvenez de l'aéroport?) et non vers Montréal devient vite un scandale. Et on arrêterait au moins quelques instants de parler du troisième lien Québec-Lévis et du plan Nord pour s'étonner que notre route 148 aboutisse à Pembroke, en Ontario, au lieu de nous connecter au Témiscamingue et à l'Abitibi. À quand un plan Ouest où Gatineau deviendrait aussi un carrefour clef entre le Nord-Ouest québécois et les centres de population du sud?
Si l'on songe à l'avenir de la langue et de la culture françaises au Québec, on s'apercevra que les défis ne se limitent pas à la région de Montréal. Les francophones du Pontiac se font tabasser depuis 150 ans, et les taux d'anglicisation et d'assimilation dans la Basse-Gatineau et dans la ville de Gatineau sont plus qu'inquiétants. L'absence d'une vision identitaire où l'Outaouais se présenterait aux voisins ontariens comme avant-poste accueillant d'un Québec français aboutira à la dissolution du caractère francophone du centre-ville de la métropole outaouaise, qui ressemblera de plus en plus à une banlieue anglo-bilingue d'Ottawa...
Sur le plan du français, la situation ici n'est pas loin d'être catastrophique. C'est un problème dont le gouvernement Couillard (et celui de Charest avant lui) sont en partie responsables en négligeant d'imposer le respect de la Loi 101 dans l'affichage. Et ici, on viole allègrement la Loi 101... La ville de Gatineau a aussi fait sa part en attaquant (avec succès) devant les tribunaux une disposition majeure de la Loi 101 sur les exigences linguistiques au travail.
Et que dire du dossier de la future faculté de médecine, où les cours se donneront en anglais et où les étudiants devront composer avec l'administration d'une université de langue anglaise? Le fait que l'immense majorité des gens et des élites d'ici semblent trouver cela acceptable en dit long sur l'esprit de colonisé qui règne à l'ombre d'Ottawa. Dans le cadre d'une véritable vision régionale, ce projet aurait été confié à l'UQO qui aurait pu compter sur la collaboration des autres facultés de médecine de langue française du Québec. Dans le contexte actuel, les étudiants en médecine d'ici auront le choix entre étudier en anglais à McGill en Gatineau ou étudier en français... à Ottawa!!!
Ce ne sont là que quelques exemples. Il y en a bien d'autres.
On constate une carence de fierté québécoise en Outaouais? Quand les gens d'ici sentiront véritablement que l'ensemble du Québec les accueille à la grande table, au lieu de se voir constamment confinés à l'embrasure d'une porte entrebâillée, quand ils feront partie de la grande vision d'avenir du Québec, cela changera. Pas avant.
Que tous les partis politiques se le tiennent pour dit...
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