La question se pose immédiatement: qui a bien pu écrire une sottise pareille, et comment se fait-il qu'on l'ait publiée sans la corriger dans deux quotidiens de langue française, Le Droit et L'Acadie Nouvelle (bit.ly/2PH19uF) en l'occurrence?
Le texte paru dans Le Droit (Gatineau et Ottawa)
Puis j'ai regardé la signature, Brett Bundale, et j'ai compris qu'il s'agissait d'un reporter anglophone de la Canadian Press (CP), que son texte original (bit.ly/2Nhc5Sa) avait été écrit en anglais et qu'on l'avait traduit en l'attribuant à La Presse canadienne (PC). Voici le premier paragraphe, en anglais: «New Brunswick is Canada's only officially bilingual province, with the closest balance in the nation of residents who speak our two official languages. Politically, though, language has long been a ticking time bomb.»
Ce que dit M. Bundale, donc, c'est que le Nouveau-Brunswick est la province où l'écart entre anglos et francos est le moins grand. Mais l'écart reste grand, avec 32% de francophones et 65% d'anglophones, ce que précise le reporter au neuvième paragraphe (voir l'image ci-dessus). Alors, «un nombre presque égal d'habitants francophones et anglophones», c'est de la bouillie pour les chats. Et «the closest balance in the nation» en anglais pourrait à la limite laisser entendre à un non-initié (mais pas à une organisation de presse) ce qu'a compris erronément le traducteur de la PC.
Plus loin dans le texte, au 12e paragraphe, la traduction vient tordre le sens et la portée de l'article original en anglais, déjà lourd dans la langue de Shakespeare. On lit: «Les opposants au bilinguisme soutiennent que séparer les francophones des anglophones, notamment dans le domaine de l'éducation et de la santé, revient à pratiquer la ségrégation»... Un régime d'apartheid? Séparer les francos des anglos en éducation et en santé? Non, mais vous rendez-vous compte de ce qu'une telle affirmation laisse entendre à ceux et celles qui sont peu ou mal informés des rapports historiques entre minorité et majorité? Et le texte PC présente comme un fait, sans nuances, cette «séparation». Seule l'accusation d'apartheid est attribuée aux adversaires du bilinguisme officiel...
Quant on vérifie l'article en anglais, on comprend mieux. Deux enjeux pointus - le transport scolaire séparé pour enfants anglophones et francophones, ainsi que les exigences de bilinguisme pour les paramédics - semblent irriter les anglos. M. Bundale conclut: «Critics say the division of New Brunswickers among linguistic lines — such as separate health care or school bus systems — amounts to segregation.» Au départ, un reporter de langue française n'aurait jamais défini comme «separate health care» le droit à des établissements de santé de langue française au N.-B. Quant à l'éducation, il y a une énorme différence entre les autobus scolaires et le «domaine de l'éducation»...
Une dernière précision. Le texte original de CP en anglais est deux fois plus long que la traduction française. Cela fait une énorme différence pour le lecteur, qui se voit privé en français (du moins dans la version publiée) d'une foule de détails pertinents à sa compréhension.
Une dernière, dernière précision. Les textes de la Canadian Press sont écrits pour le public-anglo-canadien et regardent la réalité - dans ce cas-ci la question linguistique - d'un point de vue anglo-canadien. Un texte sur le même sujet rédigé par un reporter de langue française aurait sans doute été fort différent, et je ne crois pas qu'on l'aurait traduit pour consommation par les anglos de Fredericton et Saint-Jean. Si vous en doutez, visionnez les bulletins de nouvelles à SRC et CBC pour voir à quel point la vision de l'actualité change selon qu'on est francophone ou anglophone.
Nous sommes ici dans la pire des situations: un texte portant sur les relations entre francophones et anglophones au Nouveau-Brunswick, rédigé par un reporter de langue anglaise puis traduit en français... avec de graves erreurs. C'est un peu comme ces pubs anglaises télévisées mal doublées en français, où les mots qu'on entend ne suivent pas les lèvres de la personne qu'on voit à l'écran...
À tout le moins, la Presse canadienne et les organismes de presse qui ont retransmis cette traduction devraient publier des corrections. Et il serait grand temps qu'on se penche sur l'enjeu plus large, pour nous francophones, de suivre une partie de l'actualité dans des textes d'abord rédigés en anglais...
Bonjour,
RépondreEffacerAprès avoir visité le New-Brunswick à 3 reprises, dont la dernière remonte en août 2016, j'ai eu alors l'occasion d'assister au Festival Acadien près de Shediac. Je vous assure que la musique était presque exclusivement en anglais, les gens dans les kiosques et les casse-croûtes parlaient presque exclusivement en anglais. Oubliez même le franglais (chiac), je n'en ai pas entendu. On m'a même dit que dans les écoles francophones, plusieurs cours se donnaient en anglais. Pour une province OFFICIELLEMENT BILINGUE et une population de 32% de francophones, cette fête acadienne m'a vraiment donnée une très mauvaise impression sur la pérennité de la langue française au New-Brunswick.
Désolé pour les lunettes roses à Jean-Marc Fournier qui voit du français PARTOUT au Canada et, surtout, en progression. C'est clairement de la malhonnêteté !!!
J'ai voyagé à 4 reprises dans l'ouest canadien, à 3 reprises dans les maritimes et ma famille du côté maternel est franco-ontarienne habitant principalement l'est de l'Ontario et l'Outaouais. Pour ma part, je suis né à Montréal et mes ancêtres sont venu(e)s de France, il y a 10 générations. Outre le français, je peux m'exprimer en anglais et me débrouiller quelque peu en espagnol.
Gilles Sauvageau
L'Assomption
Québec