Seulement 33,9% des 736 280 habitants du Nouveau-Brunswick (recensement 2016) déclarent connaître l'anglais et le français. Sans surprise, la grande majorité des anglophones sont unilingues, et ces derniers - les unilingues - forment 57% de la population totale. Les Acadiens (plus de 30% de la population) sont quant à eux fortement bilingues. On ne compte que 8,6% d'unilingues français* au Nouveau-Brunswick.
De fait, au Canada, le territoire le plus bilingue reste comme toujours le Québec. Le français y trône comme seule langue officielle, mais la société s'anglicise à un rythme alarmant. Au dernier recensement, 44,4% des quelque 8 000 000 d'habitants du Québec affirmaient posséder une bonne connaissance du français et de l'anglais.
Revenons au Nouveau-Brunswick, où de plus en plus d'anglophones se montrent irrités par cette égalité officielle du français et de l'anglais. Les conservateurs se sont présentés au récent scrutin avec un chef unilingue anglais, Blaine Higgs. Il n'y a donc pas eu de débat en français. Pire, sur sa droite, le PC se sent chauffé par une formation anti-francophone, le People's Alliance (Alliance des gens), qui menace de remettre en question des droits durement acquis par les Acadiens.
Il ne faut donc pas se surprendre que ce 24 septembre, 14 des 16 circonscriptions à majorité francophone aient élu des candidats du Parti libéral, dirigé d'ailleurs par un Acadien, Brian Gallant. Il ne semble pas cependant que cet appui ait été donné avec enthousiasme. Dans L'Acadie Nouvelle, le chroniqueur Rino Morin Rossignol écrivait le lendemain du scrutin: «Brian Gallant peut s'estimer chanceux que les francophones se soient résignés à se ranger derrière lui, malgré tout ce qu'ils lui reprochent, particulièrement sa faiblesse de la défense des droits linguistiques.»
La carte électorale du N.-B. au lendemain de l'élection du 24 septembre
Il ne faut donc pas se surprendre que ce 24 septembre, 14 des 16 circonscriptions à majorité francophone aient élu des candidats du Parti libéral, dirigé d'ailleurs par un Acadien, Brian Gallant. Il ne semble pas cependant que cet appui ait été donné avec enthousiasme. Dans L'Acadie Nouvelle, le chroniqueur Rino Morin Rossignol écrivait le lendemain du scrutin: «Brian Gallant peut s'estimer chanceux que les francophones se soient résignés à se ranger derrière lui, malgré tout ce qu'ils lui reprochent, particulièrement sa faiblesse de la défense des droits linguistiques.»
Mais quel choix avaient-ils? Le Parti Vert ne pouvait espérer former le gouvernement, et la francophobe Alliance des gens suscitait de plus en plus d'intérêt et de sympathie dans les régions anglophones du Nouveau-Brunswick. Quant au chef des conservateurs, l'alternative historique aux libéraux, il ne peut même pas s'exprimer aux Acadiens dans leur langue. Restait donc les libéraux...
Les libéraux vont essayer de gouverner avec 21 sièges sur 49... Les députés francophones seront majoritaires dans le caucus libéral mais leur parti, pour espérer avoir la confiance de la législature, ne se risquera pas à porter trop haut l'étendard de l'Acadie dans une province divisée, plutôt qu'unie, sur le plan linguistique. Ça gronde dans le sud anglophone, et les anglos, ne l'oublions pas, forment les deux tiers de la population...
Les Acadiens devront pouvoir au moins compter sur l'appui des francophones du Québec, eux aussi déstabilisés, et sur le soutien des autres collectivités de langue française du Canada. Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne, Jean Johnson, résumait bien la situation aujourd'hui:
«Les Acadiennes, Acadiens et francophones du Nouveau-Brunswick, dit-il, ont fait injustement les frais d’une campagne électorale où les piliers de la dualité linguistique dans la seule province bilingue du Canada ont été remis en question. Maintenant, un parti qui prône le recul de la dualité linguistique et l’érosion des droits des Acadiens, des Acadiennes et des francophones pourrait détenir la balance du pouvoir à l’assemblée législative provinciale. C'est une situation devant laquelle la francophonie canadienne ne peut rester silencieuse.»
Un regard sur la carte électorale ci-dessus suffit pour savoir où sont situés les Acadiens. C'est rouge partout, à l'exception d'une petite tache bleue et d'un coin vert. Dans les régions anglophones, le bleu domine souverainement avec quelques points mauves (People's Alliance), rouges et verts. Et tous les observateurs auront remarqué que la People's Alliance occupe la deuxième place devant les libéraux dans sept circonscriptions, en plus de ses trois gains.
Dans les 28 circonscriptions où les anglophones forment plus de 75% de la population, on compte 21 victoires PC, trois People's Alliance, trois libéraux et un Vert.
Le contexte créé par cette élection obligera les francophones du Nouveau-Brunswick à marcher sur la corde raide. Une élection à court terme risque de consolider l'emprise des bleus et mauves, et ainsi placer les Acadiens dans une position semblable à celle des Franco-Ontariens devant la horde de Doug Ford...
La francophonie québécoise et canadienne connaît des heures sombres sur le plan politique et judiciaire depuis quelques années. Quelques décisions saugrenues de la Cour suprême, la victoire de la FordNation en Ontario, l'indifférence linguistique du gouvernement fédéral, l'anglophilie du gouvernement Couillard et maintenant, des tuiles sur l'Acadie... Faudra ressortir les casseroles pour un bon tintamarre...
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* connaissance des langues officielles, Recensement 2016
Je suis découragé. Ça va de mal en pis. J'espère que ça va changer lundi soir.
RépondreEffacerGilles Sauvageau
L'Assomption