vendredi 17 novembre 2023

Universités. Vivement un droit de gouvernance pour les Franco-Ontariens !

capture d'écran d'ONFR

Si jamais on voulait une preuve indiscutable de l'impuissance des Franco-Ontariens à obtenir et gouverner leurs propres institutions universitaires, on n'a qu'à lire le rapport abrasif que vient de publier un soi-disant «groupe d'experts» créé par le gouvernement de l'Ontario pour «étudier la viabilité financière du secteur postsecondaire».

Formé de six membres anglophones qui semblent tout à fait déconnectés de la réalité de l'Ontario français et d'un membre francophone qui s'est discrètement, sans explication, dissocié des conclusions, le groupe d'experts consacre trois pages et demie seulement de son rapport au «système d'éducation en français» de la province.

Si les opinions suintant d'ignorance émises par les soi-disant experts sont retenues par l'obtus Doug Ford et sa bande, on enfoncera les derniers clous dans le cercueil du grand projet d'une université franco-ontarienne qui assumerait la gouvernance de tous les programmes universitaires de langue française, existants et futurs, y compris ceux des deux monstres bilingues anglo-dominants, l'Université d'Ottawa et la Laurentian University à Sudbury.

Le rapport du groupe d'experts met en doute la capacité des deux seules universités ontariennes de langue française «de fonctionner efficacement en tant qu'établissements indépendants et financièrement viables». Mais n'importe aurait pu arriver à une conclusion semblable en apprenant «que l'Université de Hearst compte 261 étudiants inscrits, dont 70% d'effectifs étrangers, tandis que l'Université de l'Ontario français (UOF) compte 29 étudiants inscrits, très majoritairement étrangers».

Et à partir de ces données, sans même se demander pourquoi les choses sont ainsi, sans même évoquer les réclamations historiques des associations franco-ontariennes en la matière, ces soi-disant experts proposent comme première solution de fédérer les deux petites institutions universitaires franco-ontariennes à l'Université d'Ottawa, une institution bilingue où les plus de 14 000 étudiants francophones forment à peine 30% de la population étudiante et où, ces dernières années, un climat palpable de francophobie se manifeste.

Voilà un exemple des solutions simplistes qui se pointent aux non-initiés, anglophones par surcroit, quand ils prennent un cliché de la situation actuelle sans s'interroger sur les 150 années d'histoire qui nous ont menés là et sur les revendications de gouvernance francophone rejetées ou torpillées à répétition. Au cours du dernier demi-siècle, les Franco-Ontariens ont réussi à obtenir la gouvernance de leurs écoles primaires, secondaires et collégiales... L'universitaire leur échappe toujours et c'est là le coeur du problème. Il n'y a pas de viabilité financière assurée avec moins de 300 étudiants...

Il y a près de dix ans, alors que le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), qui inclut les étudiants francophones de l'Université d'Ottawa et de la Laurentian, menait tambour battant sa campagne pour une université de langue française, son directeur général de l'époque, Alain Dupuis, avait bien résumé le noeud du débat: «Les francophones n'ont pas le contrôle sur l'avenir de leur programmation universitaire et doivent se fier à la bonne volonté des institutions bilingues qu'ils ne gouvernent pas.» L'objectif était bien de pouvoir administrer sur tous les plans, y compris financièrement, un réseau universitaire «par et pour» les Franco-Ontariens.

La réaction du monstre bilingue de la capitale fédérale ne s'est pas fait attendre. Le recteur de l'Université d'Ottawa, Allan Rock, dans une lettre au quotidien Le Droit publiée le 21 octobre 2014, écrivait effrontément, sans gêne: «Les francophones de l'Ontario ont droit à une université qui sert leurs intérêts et qui leur permet de poursuivre une formation postsecondaire de qualité exceptionnelle en français. Et cette université existe déjà: elle s'appelle l'Université d'Ottawa.» Peu après, le gouvernement Wynne déraillait le projet du RÉFO et le réduisait à un micro-campus torontois qu'on a pompeusement baptisé Université de l'Ontario français. Le «par et pour» franco-ontarien s'arrêterait aux portes des universités bilingues...

Réagissant au rapport des «experts», le recteur de l'Université de Hearst, Luc Bussières, n'a guère mis de temps à s'en rendre compte et à exprimer son dépit après avoir lu le rapport. «Ces recommandations ne correspondent pas du tout à notre lecture de la réalité, ni à celui du "par et pour" qui est complètement évacué de la lecture que le comité a faite», a-t-il déclaré à la journaliste Inès Rebei d'ONFR (TFO). La députée néo-démocrate France Gélinas a renchéri: «Je ne peux pas croire qu'en 2023 on ait une gang d'anglophones qui va nous dire comment. nous les francophones, on doit gérer notre éducation.» Un professeur sudburois, Jean-Charles Cachon, a pour sa part lancé d'un ton lapidaire: «ce rapport est une honte et montre bien l'ignorance totale de ce gouvernement de la société ontarienne».

Ces trois interventions ciblent fort bien des éléments clés du problème de gouvernance francophone à l'université. Un comité d'anglophones qui ignore tout de la dynamique linguistique franco-ontarienne fait des recommandations à un gouvernement qui navigue depuis cinq ans près des franges les plus francophobes de la société ontarienne. Et ces recommandations feront en sorte que pour l'essentiel, la planification et les finances des programmes universitaires en français resteront sous la gouverne de majorités anglaises dans des établissement bilingues où les francophones demeureront minoritaires. Et que les petits villages gaulois universitaires (à Hearst, Toronto) seront à leur merci.

Clairement les solutions ne viendront pas de la bande à Ford. Mais un bon jour, les Franco-Ontariens devront exiger, sans compromis possible, leur droit de gouvernance sur la totalité des programmes universitaires de langue française, et réclamer - avant qu'il ne soit trop tard - que Queen's Park crée un comité d'experts qui aura cette fois pour mandat de trouver et de proposer des moyens d'y arriver. Est-ce trop demander d'obtenir enfin pour l'Ontario français des droits que les Anglo-Québécois exercent sur le territoire voisin depuis 1867???

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Lire aussi deux textes d'Inès Ribei sur le site Web d'ONFR:

Un rapport commandé par l'Ontario met en doute la pérennité des petites universités franco-ontariennes - https://onfr.tfo.org/un-rapport-met-en-doute-la-perennite-des-petites-universites-franco-ontariennes/

Le recteur de l'Université de Hearst peu enthousiaste à l'idée d'une fédération avec l'Université d'Ottawa - https://onfr.tfo.org/le-recteur-de-luniversite-de-hearst-peu-enthousiaste-a-lidee-dune-federation-avec-luniversite-dottawa/

Lien au rapport du groupe d'experts - https://files.ontario.ca/mcu-ensuring-financial-sustainability-for-ontarios-postsecondary-sector-fr-2023-11-14.pdf


3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Université francophone de Hearst: aucun changement
    Université bilingue de Sudbury: deux campus, un franco, un anglo
    Université bilingue d'Ottawa: aucun changement
    Université francophone de l'Ontario: relocalisation à Cornwall ou à Hakesbury
    Université anglophone McGill, située présentement à Montréal relocalisation à Cornwall, conditionnel à un soutien financier conséquent du gouvernement ontarien.

    Qu'en pensez-vous, M. Allard? Est-ce réaliste6 Est-ce réalisable? Est-il encore temps?
    Je souhaite sincèrement obtenir des réponses à toutes ces questions, que ce soit de vous ou de quiconque lit ces lignes.

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  3. Que pensez-vous, M. Allard, de l'idée de recourir à un incitatif fiscal pour réguler et filtrer l'arrivée de nouveaux-venus, de nouvelles-venues sur le territoire municipal de Gatineau, par exemple via un test de français pouvant être facile, moyen ou difficile, selon les besoins et les circonstances, afin de limiter l'arrivée de migrants unilingues anglais, quelle que soit leur origine? J'en ai fait mention dans un message sur X (Twitter) et cela a généré trois cent lectures ou presque, ce qui m'encourage beaucoup. Est-ce légal? Est-ce réaliste?

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